Les corbeaux aussi dépriment en hiver...

Il fait chaud. Quoi de mieux pour se rafraichir qu’un bon roman, surtout quand celui-ci nous emporte dans le sillage d’un vieux freux vaguement dépressif qui enquête sur une bien étrange affaire, en plein hiver parisien ?

Au parc Montsouris, le long des pentes de la voie ferrée désaffectée, Karka le Corbeau freux vit en ermite sur la branche d'un févier.
Animal marginal, dédaigneux des Pies bavardes, des Cygnes revêches et des Canards cancaniers, ses voisins, il coule des jours mélancoliques à ressasser sa nostalgie des forêts.
Jusqu'au jour où les Mouettes colportent au parc la rumeur de la disparition des bêtes du bois de Boulogne et où Krarok, le Grand Corbeau du Conseil des animaux de Paris, se résout enfin à le faire mander, après toutes ces années d'exclusion.

Dans la charpente de Notre-Dame ont lieu les retrouvailles et la révélation : des Lions
rôderaient dans les bois de Paris ! Avant qu'ils ne s'en prennent aux Humains, Karka doit mener l'enquête avec une Tourterelle imbue de sa blancheur, une séduisante Corneille, un vieux Lion enfermé depuis si longtemps dans une cage du Jardin des Plantes qu’il en est devenu fou et un fantasque Toucan qu'il a libéré de sa cage...

Oui, vous avez bien lu. Les héros de ce polar original sont les animaux de Paris. Domestiques ou sauvages, errants ou casaniers, profitant de l’activité humaine pour se nourrir ou victimes de la cruauté des hommes, ils composent les personnages inhabituels de ce roman policier.
Manipulation, chantage, volonté de pouvoir, tout y est ! Et Karka ne tirera pas les choses au clair sans y laisser quelques plumes et sans aller parfois à l’encontre de son instinct de survie !

Avec «La mélancolie des corbeaux», Sébastien Rutés compose une variation étrange et envoûtante sur le roman d'investigation et propose une méditation poétique sur la mort, où la peur et l'instinct de survie deviennent des personnages à part entière. C’est aussi un miroir que l’auteur nous tend et dans lequel se reflète notre cruauté quotidienne envers les animaux : enfermement dans les zoos et les cirques, euthanasie dans les fourrières, tests en laboratoires et autres comportements qui doivent nous rappeler que l’homme n’est qu’un animal parmi les autres et que la hiérarchisation des formes de vie ne peut que produire de la souffrance.

Écrit dans une langue riche d’un vocabulaire animalier parfaitement maîtrisé, ce roman est un petit bijou du genre ! La lecture indispensable de vos vacances !

"La mélancolie des corbeaux" de Sébastien Rutès – Collection Babel Noir – 7.70 euros

Une bien jolie revue !

Ce matin, j'ai fait connaissance avec une adorable jeune revue, tout juste âgée de six mois.
Elle s'appelle "Les rues de Lyon" et elle est publiée par L'épicerie Séquentielle, une association d'auteurs de bande dessinée lyonnais.
Cette revue mensuelle, superbement dessinée, est désormais disponible au prix de 3 euros dans votre librairie.
Venez découvrir la qualité des dessins et des sujets (toujours en lien avec l'histoire de la capitale des Gaules), son charme délicieusement rétro et son impression sur un épais papier recyclé.
Un vrai petit bonheur de revue à découvrir d'urgence !

"Les rues de Lyon" no6 (Histoire : de Lugdunum à Confluence par Marion Cluzel)  - 3 euros

"Bébé Dol", le nouveau roman de Jean-Paul Gayot, est enfin arrivé !

Il est disponible à la librairie dès aujourd'hui.

Un homme âgé, ancien magistrat, fait la connaissane fortuitement d'une très jeune femme

D'une rencontre banale naît une sorte de tsunami au bord de l'océan, à La Tranche-Sur-Mer, dont aucun des protagonistes ne ressort épargné.

Le récit est le prétexte pour l'auteur d'explorer l'âme humaine, de constater les aspects contradictoires de notre société et de mettre en valeur la poésie qui émane de la Côte de Lumière.

"Bébé Dol" de Jean-Paul Gayot, 180 pages - 15 euros

Le Paradis des Animaux !

Je viens de tomber sur une perle, une vraie, une authentique ! En fait, je ne suis pas vraiment tombée dessus par hasard, c'est Francis Geffard, directeur de la superbe collection «Terres d'Amérique» chez Albin Michel, qui me l'a envoyée car il croit en cet auteur prometteur. Et il a bien raison !
Le recueil de nouvelles est un exercice littéraire périlleux. D'abord parce que de très grands auteurs comme Maupassant s'y sont adonnés avec bonheur, ensuite parce qu'il faut savoir se réinventer à chaque texte et être capable de poser un décor et des personnages en bien moins de pages que pour un roman. Il faut maîtriser la concision et le détail tout à la fois.
David James Poissant excelle dans cet exercice. Son recueil, «Le paradis des animaux» est une merveille du genre. Inventif, original, sensible, inattendu, drôle et en même temps grinçant, il nous offre douze magnifiques nouvelles.
On y croise des arnaqueurs pleins d'illusions, des amants égarés, des frères irréconciliables, des enfants qui jouent aux super-héros, un jeune fou qui attend et espère presque la fin du monde, une énigmatique jeune femme et des parents un peu dépassés par les événements.
Dès la première nouvelle, «L'homme-lézard», on suit avec bonheur et angoisse les pas deux hommes prêts à tout pour sauver un alligator au beau milieu d'une tempête et on reste sous le charme jusqu'à la dernière page de la dernière nouvelle, qui fait écho à la première et nous livre un père touchant et maladroit qui tente de se racheter auprès de son fils.
David James Poissant explore avec grâce et humour la poésie du quotidien, les malentendus, les rancoeurs, las amours malades, les fantôme tapis dans nos souvenirs. Il nous pose l'éternelle question : une fois au bord du précipice, que faire ? Sauter dans le vide ou détourner les yeux et faire demi-tour ?
Les vacances approchent, pensez à emmener des livres dans vos valises. Et si nous ne devez en emmener qu'un, que ce soit «Le paradis des animaux» !

«Le paradis des animaux» - David James Poissant – Editions Albin Michel – 25 euros.

Les cimetières sont aussi des jardins et des musées...

En décembre dernier est paru un livre exceptionnel, dont j'ai tout de suite eu envie de vous parler. Il s'agit de l'ouvrage de Nathalie Rheims, illustré par les photographies de Nicolas Reitzaum : "Le Père-Lachaise Jardin des ombres...".
Nathalie Rheims délaisse le roman pour s'intéresser au beau-livre et à un lieu qui nous évoque tous quelque chose, qu'on l'aie déjà visité ou pas, qu'on soit taphophile (amateur de cimetières) ou pas.
Le Père-Lachaise...
Ce nom à lui seul suffit. Inutile de préciser sa nature. Chaque année, le plus grand espace vert parisien accueille trois millions de visiteurs venus des quatre coins du monde célébrer le souvenirs d'êtres chers mais surtout rendre un hommage posthume aux personnalités, nombreuses, qui y reposent. Ou voyager dans le temps.
Car le Père-Lachaise, c'est aussi un arboretum (5300 arbres, dont plusieurs centenaires), un parc, un jardin, un refuge pour ses habitants à poils et à plumes, voire pour les exclus qui se trouvent abri dans les caveaux et un musée de l'architecture et de la sculpture à ciel ouvert.
Cet endroit est aussi un livre d'Histoire. Il nous raconte l'histoire pluriséculaire de la colline de Charonne, laquelle connut son heure de gloire lorsqu'en pleine Fronde, le jeune Louis XIV y trouva refuge puis y installa avec faste son ami et confesseur, le père jésuite Français d'Aix de La Chaise.
A l'époque, on enterrait encore les morts dans les cimetières intra-muros de la capitale. Mais, peu avant la Révolution, l'écroulement d'une fosse commune du cimetière des Innocents, dont le contenu se déversa un beau matin dans la cave d'un négociant en vin, marqua le début de toute une série de mesures de salubrité publique.
On se rendit soudain compte que le niveau du sol du cimetière des Innocents s'élevait à sept mètres au-dessus de celui des rues avoisinantes, tant il était surchargé, et qu'il servait d'abri à d'innombrables coupe-jarrets, prostituées et tire-laine de la pire espèce.
On transféra donc le contenu du cimetière des Innocents, de nuit et à la lueur des torches, dans les catacombes et surtout, la mairie de Paris ouvrit des nécropoles à l'extérieur de la capitale, suivie quelques années plus tard par toutes les villes et villages de France, grâce à une ordonnance napoléonienne.
C'est ainsi que la Ville de Paris acquit cette propriété de l'Est parisien laissée à l'abandon et, au printemps 1804, le cimetière, conçu par Brongniart (l'architecte du palais de la Bourse), fut inauguré avec l'inhumation d'une petite fille de cinq ans, Adélaïde Paillard de Villeneuve.
C'est en suivant les traces de cette enfant que Nathalie Rheims nous ouvre les portes d'un endroit unique au monde. Elle nous en livre les secrets, nous en dévoile les mystères, dans une fiction historique où le temps se dilue pour permettre la rencontre des vivants et des morts.

"Le Père-Lachaise Jardin des ombres..." - Nathalie Rheims et Nicolas Reitzaum – Editions Michel Lafon – 29,95 euros

Un mot pour arrêter la guerre...

Lancée en 2010, la maison d'édition Nobi-Nobi est encore toute jeune mais elle s'est déjà taillé une belle réputation ! Spécialisée dans la traduction ou l'adaptation pour la jeunesse d'auteurs japonais, elle propose également des créations originales.
C'est le cas avec leur nouvel album : "Le mot qui arrêta la guerre" pour lequel se sont asociées une auteure française, Audrey Alwett, et une dessinatrice taïwanaise, Ein Lee.
Illustrée par des dessins éblouissants, l'histoire commence avec deux frères qui vivent ensemble près d'un lac. L'aîné s'appelle Shigeru, il a seize ans et créé des origamis si réalistes qu'ils semblent vivants. Son petit frère Seï, lui, aime par-dessus tout la calligraphie et maîtrise cet art complexe.
Mais un jour, les soldats du daimyô, le seigneur local, viennent informer Shigeru que la guerre est déclarée contre le potentat voisin et qu'il a trois jours pour se présenter au château du daimyô et prendre l'uniforme.
Effrayés à l'idée d'être séparés et peut-être de ne plus jamais se revoir, les deux frères cherchent désespérément une solution pour convaincre le daimyô d'arrêter cette guerre avant qu'elle ne commence.
"Le mot qui arrêta la guerre" est un magnifique conte avec pour décor le Japon médiéval. Il aurait pu se dérouler ailleurs ou à une autre époque. Mais la calligraphie japonaise a ceci de particulier qu'elle associe l'art au mot, ce qui double en quelque sorte sa puissance.
A notre époque où l'on peut être tué pour un mot où un dessin, ce conte prend une dimension particulière et une force qui touchera les enfants aussi bien que les adultes.

"Le mot qui arrêta la guerre" de Audrey Alwett et Ein Lee – Éditions Nobi Nobi – 15,50 euros

Flavia est de retour !

Du haut de ses onze ans, juchée sur sa fidèle bicyclette, armée de sa passion pour la chimie et de sa curiosité, rien ne l'arrête. Les assasisns n'ont qu'à bien se tenir !

"Tout n'est pas pour le mieux à Buckshaw, la demeure des de Luce... Avec des finances dans un état précaire, le père de Flavia se voit contraint de louer le manoir familial à une société de films. Naturellement, réalisateur, équipe de tournage et stars de cinéma ne font rien pour s faire aimer de la maisonnée - encore moins des domestiques ; jusqu'à ce qu'un lourd rideau de neige coupe Lacey Bishop de tout contact avec le monde extérieur. Les acteurs sont alors priés de monter un spectacle dans la grande salle paroissiale. Mais de vieilles jalousies refont surface et l'actrice principale est assassinée. Flavia de Luce, qui a été mise à contribution en coulisses, se retrouve prise jusqu'au cou dans cette sordide affaire ! Pour notre plus grand plaisir !"

 

"Les enfants de l'Etat"

Troisième volet des enquêtes de l'inspecteur Korolev après "Le Royaume des Voleurs" et "Film noir à Odessa", "Les enfants de l’État" nous plonge dans l'atmosphère implacable de la jeune URSS. Quand il valait mieux préparer sa valise avant d'aller se coucher, au cas où des agents du NKVD défoncent votre porte au beau milieu de la nuit pour vous jeter dans un wagon à bestiaux, direction le goulag, sur une simple présomption ou une dénonciation de votre voisin...
Une série à découvrir absolument !

"Le capitaine Korolev, inspecteur de police à Moscou en 1937, savoure la visite longtemps attendue de son fils Yuri. C'est alors qu'un éminent scientifique est abattu, à proximité du Kremlin. Le soir où l'enquête est assignée à Korolev, Yuri disparaît et la mère de ce dernier n'est plus joignable. Malgré son inquiétude, Korolev poursuit ses investigations. Mais, où qu'il aille, il est devancé et les documents qu'il cherche, raflés.
Korolev comprend qu'il est au cœur d'un combat entre deux factions rivales de la police secrète, le NKVD. Pour découvrir la vérité, il lui faudra suivre la piste des enfants de l'État, ceux qui disparaissent sans laisser de trace. "

Miss Peregrine et ses enfants particuliers...

Voilà déjà longtemps que j'ai envie de vous parler de ce roman incroyable de Ransom Riggs. Il a été publié en France par Bayard dans la catégorie "Jeunes adultes".
J'avoue que d'ordinaire, je ne vais pas spontanément vers cette catégorie. Sans doute à tort, d'ailleurs, car on y trouve des perles !

Quand j'ai eu "Miss Peregrine et les enfants particuliers" en main pour la première fois, ce qui m'a frappée, ce sont les photos. Celle de la couverture d'abord : une enfant coiffée d'un diadème, sur fond de sol nu et d'arbres morts, habillée à la mode des années 20 ou 30, et qui semble en lévitation, à une dizaine de centimètres au-dessus du sol.
 

Ensuite toutes les photos en noir et blanc  qui émaillent le roman. Toutes plus étranges et  dérangeantes les unes que les autres, comme cette petite fille seule au bord d'un bassin tandis que deux petites filles se reflètent dans l'eau, ou cet effrayant jeune homme en costume trois pièces  noir, posant la main sur un crâne humain et qui  semble ne pas avoir d'yeux...

 Avec mon goût pour le bizarre, j'ai forcément fini par lire ce livre et je dois dire qu'une fois commencé, je n'ai pas pu le lâcher avant de l'avoir terminé !

"Miss Peregrine et les enfants  particuliers", c'est l'histoire de Jacob, un adolescent de Floride qui adore son grand-père. Pendant les nombreuses heures qu'il passe avec  lui, ce dernier lui raconte d'étranges histoires au sujet d'un orphelinat du Pays de Galles, dirigé par Miss Peregrine, où il fut envoyé pendant la Seconde Guerre Mondiale pour échapper aux nazis car il était juif. Il parle à Jacob d'enfants dotés de dons incroyables : se rendre invisible, commander aux abeilles, voler ou même ressusciter les morts. Il lui parle aussi de monstres à la bouche pleine de tentacules, invisibles et puants...

Mais Jacob n'y croit pas. Pour lui, ce ne sont que des fables, des contes qu'invente son grand-père pour l'amuser et le distraire. Jusqu'à ce que son grand-père meure assassiné par un des monstres en question sous ses yeux.

Jacob se met alors en quête de réponses. Qui était son grand-père, Abraham Portman, dont la vie semble être pleine de mystères ? L'orphelinat de Miss Peregrine a-t-il réellement existé ? Et avec lui ces enfants particuliers ?  Si oui, que sont-il devenus ? Certains d'entre eux seraient-ils toujours vivants et pourraient-il lui donner des réponses ?

"Miss Peregrine et les enfants particuliers" est un livre formidablement bien écrit, avec autant de suspense et de rebondissements qu'un polar pour adultes. Mais c'est aussi un roman original qui pose des questions pertinentes sur la notion de différence, sur l'enfermement et la persécution et qui m'a par moments rappelé l'immense film de Tod Browing, "Freaks".

D'autant plus que j'ai découvert que toutes les photos reproduites dans le livre n'ont pas été prises, comme je le pensais d'abord, pour illustrer l'histoire mais sont bien des photos anciennes tirées de collections privées.

Un livre à mettre donc entre toutes les mains, celles des adolescents comme celles des adultes !

Et la cerise sur le gâteau : Tim Burton vient d'acheter les droits pour l'adapter au cinéma !

"Miss Peregrine et les enfants particuliers" de Ransom Riggs – Editions Bayard – 15,90 eur
"Hollow City – Le deuxième volume de Miss peregrine et les enfants particuliers" de Ransom riggs – Editions Bayard – 16,90 eur

A la recherche du film disparu !

Les éditions Christian Bourgois, maison respectable s'il en est et à qui l'on devait déjà la  première traduction de l'oeuvre de Tolkien en français, récidivent dans la catégorie ovni littéraire en publiant le roman génial d'Augusto Cruz "Londres après minuit".

"Londres après minuit", c'est le titre d'un film muet réalisé en 1927 par Tod Browning, réalisateur culte  de "Freaks" qui fera tourner pendant des années les stars du film d'horreur, de Bela Lugosi à Boris Karloff en passant par Lon Chaney.
Le film est considéré comme perdu depuis l'incendie d'un entrepôt de la MGM en 1967 dans lequel la dernière  copie existante aurait été détruite.

C'est de là que part Augusto Cruz pour construire son incroyable roman : Forrest J. Ackermann, célèbre collectionneur passionné de cinéma, a accumulé nombre d'objets au fil des ans. Une pièce de choix lui manque cependant : une copie de "Londres après minuit".

Un jeune homme affirmant soudain avoir pu le visionner lors d'une projection privée, Ackermann se persuade que le film n'a pas été détruit dans l'incendie de 1967 contrairement à ce que tout le monde croit. Ne pouvant concevoir de mourir sans avoir revu ce film, il charge donc McKenzie, homme de confiance de J. Edgar Hoover et retraité du FBI, de le retrouver.

Mais il semble bien qu'une malédiction frappe tous ceux qui ont tenté de s'approcher du film et l'ex-agent du FBI se retrouve plongé dans l'un des plus grands mystères de l'histoire du cinéma.

"Londres après minuit" est un roman habilement tissé, riche en rebondissements. Cruz imbrique avec maestria la fiction et les faits réels. C'est un véritable hommage au septième art et en particulier à un genre devenu kitch aujourd'hui pour le grand public mais resté culte pour de très nombreux amateurs.

"Londres après minuit" de Augusto Cruz – éditions Christian Bourgois – 22 euros

Il s'en passe de belles dans les steppes de Mongolie !

Il y a quelques années, une seule et unique petite loi a changé la vie et le visage de la Mongolie. En allant à rebours de coutumes millénaires et du monde de vie traditionnel nomade, cette loi instituait la propriété du sol. Ce fut la fin d'un monde pour des milliers de nomades privés du droit de faire paître leurs troupeaux où bon leur semblait, ce fut l'apparition dans la steppe de clôtures et de barbelés et surtout, ce fut l'occasion qu'attendaient des hommes d'affaires peu scrupuleux pour acheter des terres riches en métaux rares et les revendre sous forme de concessions minières en empochant des millions, voire des milliards de dollars au passage.

C'est avec cette toile de fond que Ian Manook construit son polar et c'est un coup de maître ! Dans une Mongolie oscillant entre tradition et modernité, entre attirance pour l'Occident et repli nationalise voire fasciste, entre rêve d'un reconnaissance internationale et mythe d'un passé cruel mais glorieux, entre haine des Chinois venus coloniser le pays économiquement, pauvreté extrême et industrie du tourisme florissante à la recherche de folklore déguisé en authenticité, Manook campe le personnage d'un flic intègre, droit dans ses bottes, un flic ravagé par la mort de sa fille cadette, assassinée pour faire pression sur lui et l'obliger à lâcher une enquête mettant en lumière la corruption des autorités.

Et la journée commence mal pour ce flic nommé Yeruldelgger : trois Chinois exécutés d'une balle dans la  tête et leurs corps découpés au cutter mais surtout le cadavre d'une petite fille aux boucles blondes enterrée  vivante dans la steppe avec son tricycle rose.

Cependant rien ne l'arrête ! Secondé par sa partenaire Oyun et la belle Solongo, médecin légiste, il avance  dans son enquête. Peu lui importe de froisser la  susceptibilité de son chef, de risquer sa vie ou sa carrière en se mettant à dos de riches hommes d'affaires. Seule compte la vérité et la promesse faite de découvrir  l'identité de cette enfant assassinée.

Mais Yeruldelgger est aussi un homme en proie au doute, à la colère, un homme qui se cherche, qui se  perd, qui a peur aussi parfois.

Ian Manook nous offre donc un superbe personnage de flic dans un genre où l'on pourrait croire que tout a déjà été imaginé et écrit. Les multiples récompenses récoltées par son roman son amplement méritées : Prix Quai du Polar 2014, prix SNCF du Polar 2014 et Grand Prix des Lectrices Elle catégorie Policier.

"Yeruldelgger" est un roman fascinant, lancinant comme le chant du vent dans la steppe, dépaysant comme un verre d'airag.

"Yeruldelgger" de Ian Mannok– Le Livre de Poche – 8,30 euros

Un assassin, un bateau et un télégraphe sans fil...

Londres, 1910. Un médecin américain d'apparence respectable et à la personnalité plutôt discrète pour ne pas dire effacée, Harvey Crippen, met  fin à un mariage insupportable en assassinant sa femme, une chanteuse d'opéra de seconde zone, notoirement  infidèle et manipulatrice.
 

Lorsque naissent les premiers soupçons, il prend  un bateau, le SS Montrose, à destination du Québec,  accompagné de sa maîtresse.
 

Sur ses traces, un inspecteur de Scotland Yard  qui, grâce à l'invention toute récente de Marconi, la  communication sans fil, va permettre au grand public de  suivre par médias interposés cette incroyable poursuite  en haute mer.

Erik Larson est un récédiviste : "Les Passagers de la Foudre" est son troisième essai concocté selon la même recette. Deux destins qui se croisent sans jamais se rencontrer. Et il faut reconnaître que la recette est bonne !

Après "Dans le jardin de la bête" et le glaçant "Le Diable dans la Ville Blanche", Larson nous sert une nouvelle fois un essai captivant qui part pourtant d'un fait divers plutôt sordide.

Des maris qui tuent leur femme, il y en a plein les colonnes des journaux, me diez-vous. Oui mais avec Larson, cela devient tout autre chose. Grâce à un travail de recherche et de documentation très abouti, Erik Larson nous met non seulement dans les pas du Docteur Crippen et du jeune inventeur un peu parano Marconi mais il nous livre aussi un tableau saisissant de la société anglaise édwardienne. Après l'interminable règne de Victoria, les certitudes des britanniques commencent à s'effriter face à une économie de plus en plus concurrentielle et en pleine mondialisation, face à l'afflux d'immigrés et de nouvelles idées politiques. Ce sont les débuts du monde moderne et des craintes qu'il engendre toujours.

Il nous fait découvrir aussi les dessous du monde scientifique de l'époque : guerre des brevets, jalousie entre chercheurs, immobilisme des institutions scientifiques drapées dans leurs certitudes toutes victoriennes et frileuses face à la nouveauté, intuitions géniales de certains inventeurs et dilletantisme de certains autres, comme Lodge qui, sur le point devancer Marconi, interrompt soudain ses recherches sur les ondes hertziennes pour faire tourner des tables.

Erik Larson est un conteur. Mais attention, un conteur qui ne raconte que la réalité. Cette réalité qui dépasse bien souvent la fiction, il faut l'avouer...

"Les passagers de la foudre" Erik Larson – Le Livre de Poche – 8,30 euros

Le coup de cœur de janvier : "L'homme qui aimait les chiens" de Leonardo Padura.

Cet esprit libre et corrosif nous emporte, avec "L'homme qui aimait les chiens", dans le sillage de trois âmes tourmentées.

Il y a d'abord Ivan, écrivain mis en quarantaine par le régime castriste pour n'avoir pas suivi la ligne du parti dans ses œuvres. Il vient de perdre son épouse, Ana, dévorée par un cancer.
Pour surmonter cette perte et se délivrer de sa peur du régime, il se remet à l'écriture et reprend les notes qu'il a rédigées, des années plus tôt, après sa rencontre sur une plage de La Havane avec un homme étrange, visiblement rongé par la maladie, qui promenait deux splendides barzoïs et qui finira par raconter à Ivan une terrible histoire : celle de Ramon Mercader, l'assassin de Trostski.
C'est cette histoire qu'Ivan choisit d'écrire et de publier, en dépit de la ligne officielle du parti communiste à Cuba, qui a désigné Trostski comme un traître à la Révolution Prolétarienne et qui l'a banni des livres d'histoire. Parce qu'Ivan sent bien que l'étau idéologique desserre peu à peu sa morsure sur son île mais aussi parce qu'il sait, il sent, qu'il est le dernier dépositaire d'une histoire incroyable qu'il doit impérativement partager.

Commencent alors trois récits entremêlés : les dernières années de la vie de Trotski, de sa relégation à Alma-Ata, en passant par son exil en Turquie, son bref passage en France puis quelques mois en résidence surveillée en Norvège avant l'arrivée au Mexique, grâce à l'appui du couple de peintres Diego Rivera et Frida Kahlo auprès de leur gouvernement pour que l'asile lui soit accordé.
C'est là qu'il mourra, en août 1940, d'un coup de piolet asséné par Ramon Mercader, emprisonné dans le carcan de son personnage de leader révolutionnaire, rongé par le remord d'avoir exposé toute sa famille à la vindicte stalinienne et parfaitement conscient que son destin ne dépend plus que du bon vouloir de son ennemi, qu'aucun mur ni aucun mirador n'arrêtera l'assassin que Le Petit Père des Peuples lui enverra tôt ou tard.

C'est cet assassin qui occupe le second récit. Il y a d'abord la spirale infernale de l’alcool et de la drogue qui transforma la mère de Ramon Mercader, Caridad, grande bourgeoise espagnole née à Cuba, en passionaria communiste de la guerre d'Espagne, prête à envoyer au front et voir mourir deux de ses fils pour la « cause » et à remettre le troisième aux mains des services secrets soviétiques qui en feront un assassin redoutable, parfait caméléon capable de se fondre dans près d'une demi-douzaine d'identités différentes.
Mais il y a aussi son amour inconditionnel pour Africa, autre icône du communisme et espionne à ses heures, ses doutes lorsqu'il commence à percevoir les failles dans l'inextricable toile d'araignée idéologique imaginée par Staline et ses sbires pour le convaincre de la nécessité de tuer Trotski pour sauver l'URSS.
Il y a encore ce goût qu'il se découvre pour manipuler et se faire passer pour celui qu'il n'est pas et son amour pour les chiens depuis sa plus tendre enfance.
Et puis surtout il y aura ce cri, le cri de surprise et de douleur de Trotski, qui restera jusqu'à la fin de sa vie dans ses oreilles et qui fera du héros communiste un spectre hanté par ses choix et par les mensonges qu'il avait choisi de croire.

Enfin, il y a Ivan, l'écrivain devenu correcteur pour une revue vétérinaire dans un pays où tout manque, où la propagande a coupé la population du reste du monde, mais qui veut reprendre le contrôle de sa vie et de son écriture mais surtout se débarrasser de cette histoire qui constitue pour lui un abominable fardeau.

"L'homme qui aimait les chiens" est un roman dense et haletant, d'une immense qualité littéraire. Une leçon d'histoire aussi bien qu'une étude de la société cubaine, du communisme et des passions humaines. C'est tout simplement une œuvre bouleversante.

« L'homme qui aimait les chiens » - Éditions Points – 9 euros

Un nouveau venu chez Couleur Corbeau : "Empreinte d'Ours". Magnifique !

Il est arrivé, il est là, il est beau, il est magnifique, j'en suis encore toute émerveillée !
"Empreinte d'Ours", le nouvel album publié par Couleur Corbeau et que l'on doit au sublime travail de Corbeau et Christian Offroy est dorénavant disponible dans votre librairie préférée.

Après "Etoile des Forêts", "Heyo" et "Rêve de Hiboux", Corbeau et Christian continuent de nous éblouir et placent la barre très haut dans le domaine de l'album enfant et jeunesse. Un coup de maître.


Pour faire rêver les petits et les grands. Un indispensable dans votre bibliothèque !

De la boue, des Colts et des légendes déboulonnées.

«Ici, rien n'est normal, même le temps… Le jour de notre arrivée, on a vu deux hommes portant une tête humaine, en pleine rue… Un Mexicain avec celle d'un Indien, et une crapule qui louchait et qui s'appelait Boone May, avec la tête d'un hors-la-loi…»

La Conquête de l'Ouest et la ruée vers l'or sont la genèse d'une nation qui domine encore le monde aujourd'hui.

Dans «Deadwood», Pete Dexter nous livre un récit glaçant sur la naissance d'une ville, bien loin des clichés du western «à la papa» façon John Wayne.

Deadwood a été fondée illégalement sur un territoire indien concédé par le gouvernement américain par le traité de Fort Laramie en 1868 au peuple Lakota. En 1874, le colonel George Armstrong Custer annonça la découverte de gisements d'or dans les Black Hills provoquant une ruée vers l'or et la fondation de Deadwood qui devint rapidement une ville réputée pour ses bandits-manchots et ses maisons closes.
En 1879, la ville fut dévastée par un incendie puis reconstruite. Elle continua de prospérer devenant un centre minier important des Black Hills.
Le roman de Pete Dexter commence en 1876. «Wild» Bill Hickok et son ami Charlie Utter arrivent à Deadwood à la tête d'un convoi de chariots transportant des prostituées et un maquereau bien décidé à ouvrir une nouvelle maison close à Deadwood. C'est le début d'une épopée tragique qui se terminera en 1879 par le grand incendie qui ravagea la ville.

Pendant des années, de 1876 jusqu'à sa mort, Bill Hickock mentira à sa femme Agnes Lake, célèbre trapéziste, en prétendant être venu à Deadwood pour acheter et revendre des concessions minières. En réalité, Wild Bill passera ses dernières années plus ou moins caché, à boire à longueur de journée du Gin rose pour oublier san vue déclinante et à soigner sa syphilis en s'enduisant le torse de mercure, redoutant la vengeance du frère de Custer, dont il avait abattu plusieurs hommes de son régiment qui avaient eu le malheur de se moquer de lui lors d'une soirée trop arrosée.

La ville de Deadwood est un fleuve de boue battu en permanence par les vents, où les chasseurs de prime deviennent shérifs, où l'on verse des récompenses pour chaque Indien abattu, où les chinois sont brulés dans les fours à brique, où les prostituées sont condamnées à la vérole par les trappeurs, où les combats de chiens se déroulent en plein saloon, où un prédicateur fou entame la rédaction d'une nouvelle bible, où de vieux prospecteurs sans filon s'usent dans les eaux glacées de la rivière pour quelques malheureuses pépites, où les orages sont si soudains et si violents qu'ils arrachent le toit du théâtre une soir de première, où un riche entrepreneur se transforme en meurtrier par amour pour une prostituée chinoise, où Calamity Jane risque sa vie en soignant des malades atteints de variole quand, ivre, elle ne chevauche pas des taureaux et où les légendes de l'Ouest sont bien différentes de ce qu'on en raconte dans les livres ou les journaux.
Ce roman raconte l'histoire d'un pays où la première chose à faire en se levant le matin est d'oublier ce qui s'est passé la veille. C'est un livre puissant, prenant et dur, qui livre la violence brute de l'âme humaine. Un récit épique, tour à tour froid comme le vent venu des Black Hills et brûlant comme une gorgée de whisky frelaté.

«Deadwood» - Pete Dexter – Éditions Folio – 9,40 euros

De l'influence de la météo sur les enquêtes criminelles.

Imaginez : nous sommes à Naples en 1931. En cette fin du mois de mars, un vent glacial souffle sur la ville et une nouvelle choquante frappe les esprits: le grand ténor Arnaldo Vezzi voix sublime, artiste de renommée mondiale, et ami du Duce a été retrouvé sans vie dans sa loge du Théâtre royal San Carlo, juste avant le début d’une représentation du Paillasse de Leoncavallo. Sa gorge a été tranchée avec un fragment acéré de son miroir qui a volé en éclats.

Un crime aussi spectaculaire et aussi sensible sur le plan politique doit être élucidé au plus vite; l’affaire est donc confiée à un enquêteur hors du commun: le commissaire Luigi Alfredo Ricciardi, de la brigade mobile de la police royale.

Mal accepté par ses supérieurs à cause de sa désinvolture face à la hiérarchie et fui par ses subordonnés qui n’apprécient pas son caractère introverti, Ricciardi est un homme tourmenté. Aristocrate célibataire et solitaire dévoué à son rôle de policier, traumatisé dans l’enfance, il est depuis lors hanté par les morts qu’il "voit" passer de vie à trépas tout en éprouvant leur souffrance, en une forme extrême d’empathie.
Harcelé par le divisionnaire qui exige des résultats, Ricciardi devra se fier à son sens de la justice pour découvrir l’identité du meurtrier.

Jusqu'ici, tout cela ressemble à un bon vieux roman policier historique comme il en existe déjà beaucoup. On y ressent d'ailleurs cette atmosphère déléterre de l'Italie des années 30 où tout de joue à l'aune du nouveau parti au pouvoir, celui de Mussolini. Et où, peut-être plus qu'aillurs en Italie, l'opéra est demeuré une institution quasi sacrée pour les plus humbles comme pour les nantis.
Mais pas que.

Car la particularité des romans de Maurizio De Giovanni, c'est qu'il y intègre la météo comme personnage central. Le temps qu'il fait influence le héros, pas seulement l'atmosphère ou le décor de l'intrigue.
D'ailleurs les romans suivants de la série s'intitulent "Le printemps du Commissaire Ricciardi" et "L'été du Commissaire Ricciardi".
De quoi se replonger dans une période historique sombre mais par le biais du roman policier et sur les pas d'un héros hors normes et attachant.

"L'hiver du Commissaire Ricciardi" de Maurizio De Giovanni chez Rivages Roche – 9,15 euros.

Un bien joli nom pour un immeuble...

Vous connaissez sans doute Elif Shafak, sublime auteure turque à qui l'on doit "Soufi mon amour" ou "Lait noir".
Je n'avais jamais lu ses livres avant d'emmener dans ma valise cet été "Bonbon Palace". D'abord à cause du titre. Ensuite à cause de cette superbe photo de couverture montrant des lampions de verre coloré qui m'ont rappelé les allées du Grand Bazar. Enfin parce qu'Istanbul est une ville pour laquelle j'ai une affection tout à fait particulière.

J'ai donc fait la connaissance de Bonbon Palace, cet immeuble délabré construit autrefois par un riche Russe Blanc pour son épouse dépressive dont le regard vide ne s'allumait plus qu'à la vue des friandises.
J'ai aussi fait la connaissance des locataires : le religieux gérant Hadji Hadji, la desperate housewife Nadja, la jolie et si triste Maîtresse Bleue, Madame Teyze, Hygiène Tijen ou la famille Ateşmizacoğlu et leur fille dépressive, le narrateur Jurnal mais surtout les coiffeurs jumeaux Djemal et Djelal.

Tout irait bien dans le meilleur des mondes à Bonbon Palace s'il n'y avait que les ragots et les petites querelles de voisinage. Mais voilà, non seulement l'immeuble est délabré mais surtout il est en train de se transformer en décharge ! Les habitants de la rue et du quartier ont pris l'habitude, allez savoir pourquoi, de déposer leurs ordures devant cette autrefois si prestigieuse adresse !
Voilà qui est inconcevable pour les jumeaux coiffeurs qui ont peur de voir leur clientèle rebutée par l'odeur des poubelles qui envahit leur salon et pour tous les locataires qui n'en peuvent plus de cette puanteur.
Que faire alors pour changer les habitudes des gens et retrouver un peu de quiétude et d'air frais ?

A travers une galerie de portraits tous plus savoureux les uns que les autres, Elif Shafak brosse avec poésie, drôlerie et parfois violence un tableau de cette société turque en pleine mutation, consciente de la richesse de son passé et de son histoire et hésitante à se tourner vers l'Occident par peur de se perdre.
Elle nous offre une vision lucide et pleine de tendresse de ce petit ilôt perdu dans la frénésie de la métropole sans cesse en train de s'étendre. Elle nous donne à voir les traditions mais aussi toutes ses petites superstitions quotidiennes turques qui ont parfois bien plus de poids dans la vie des hommes qu'on pourrait le croire.

Comme son titre, ce roman est une véritable friandise à déguster sans modération. Un vrai moment de bonheur pour braver la météo maussade et se découvrir des envies de voyage dans cette ville si particulière à cheval entre Orient et Occident.

"Bonbon palace" d'Elif Shafak aux éditions 10-18 – 9,60 euros.

Deux essais indispensables qui questionnent notre comportement vis à vis des animaux

Parmi les nouveautés de cette semaine, il y a deux livres dont je tenais absolument à vous parler.
tout d'abord celui d'Yves Paccalet "Eloge des mangeurs d'hommes". On devait déjà à Yves Paccalet le génial "L'humanité disparaitra, bon débarras !" qui mettait en avant les scénarios possibles pouvant entrainer la fin de l'humanité sur notre planète.
Aujourd'hui, il prend la défense des grands prédateurs exterminés par l'homme car jugés dangereux ou nuisibles : requins, ours, loups ou tigres. Il nous rappelle que les requins tuent 10 personnes environ chaque année quand les morts causées par la malaria (transmise par les moustiques) se chiffrent en millions et que près de cent millions de suaqles sont péchés chaque années, amputés de leurs ailerons et rejetés à l'eau vivants où, faute de pouvoir nager, ils meurent noyés. Que le plus dangereux pour le berger des Alpes ou des Pyrénées n'est pas le loup mais le berger australien qui vend sa laine à des prix tirant le marché vers le bas.
Pourtant, ces animaux majestueux, fascinants, présents pour certains sur cette planète des millions d'années avant l'homme et qu'on connait parfois très peu ou mal, sont persécutées jusqu'à complète disparition.
Yves Paccalet fait œuvre de salut public en nous rappelant que nous devons respecter ces animaux et apprendre à cohabiter avec eux plutôt que de vouloir les faire disparaitre et que cette planète ne nous appartient pas, qu'elle appartient à toutes les espèces vivantes qu'elle abrite. Car il ne faut pas oublier qu'en perdant ces espèces, nous perdrions des pans entiers de notre histoire, sans parler des déséquilibres écologiques potentiellement fatals à l'humain que ces disparitions pourraient engendrer...

Matthieu Ricard nous parle aussi des animaux dans son "Plaidoyer pour les animaux - vers une bienveillance pour tous".
A l'heure où la loi peine à progresser pour instaurer un statut de l'animal et ne plus qu'il soit relégué juridiquement au rang de bien meuble, Matthieu Ricard nous rappelle que nous tuons 60 milliards d'animaux terrestres et 1 000 milliards d'animaux marins pour notre consommation. Un massacre inégalé dans l'histoire de l'Humanité qui pose un défi éthique majeur et nuit à nos sociétés : cette surconsommation aggrave la faim dans le monde et provoque des déséquilibres écologiques, en plus d'être mauvaise pour notre santé.
En plus de l'alimentation, nous instrumentalisons les animaux pour des raisons purement vénales (trafic de la faune sauvage), pour la recherche scientifique ou par simple divertissement (corridas, cirques, zoos).
Il nous rappelle qu'il est plus que temps aujourd'hui de considérer les animaux non plus comme des être inférieurs mais comme nos concitoyens sur cette terre. Car après tout, l'homme n'est ni plus ni moins qu'un animal parmi les autres.
Matthieu Ricard nous montre également que nous vivons dans une montre interdépendant où le sort de chaque être,quel qu'il soit, est intimement lié à celui des autres. Il ne s'agit donc pas de s'occuper que des animaux mais aussi des animaux.
Bref, il nous livre un essai lumineux qui met à la portée de tous les connaissances actuelles sur les animaux et la façon dont nous les traitons. Un essai qui invite à changer nos comportements et nos mentalités.

Deux livres à lire impérativement !

"Eloge des mangeurs d'hommes - Loups, ours, requins... sauvons-les !" de Yves Paccalet aux éditions Arthaud - 15 euros

"Plaidoyer pour les animaux - vers une bienveillance pour tous" de Matthieu Ricard aux éditions Allary - 20.90 euros

Des pépites surgies des eaux boueuses de l’Histoire :

Le voyage commencera donc avec Jean-Yves Loude et son épouse Viviane Lièvre. Ethnologues, ils se penchent sur les populations aux destins contrariés, aux mémoires occultées.
Après avoir publié de nombreux ouvrages chez Actes Sud consacrés à l’Afrique, ils ont franchi l’océan pour partir à la recherche de ces mémoires africaines au Brésil.
Le récit de ce voyage, «Pépites brésiliennes», se dévore comme un roman.

Par un matin du jour de l’An, Leuk et Lion (les avatars de Viviane et de Jean-Yves) reçoivent un mail en forme de défi : le portrait à la peau brune qui les toise sur l’écran est celui de Luzia, il a été reconstitué à partir d’un crâne trouvé en terre brésilienne. Un femme négroïde, au « Nouveau Monde », près de 10 000 ans avant notre ère ?! L’étonnement et l’excitation réveillent sans tarder leur instinct d’enquêteurs : les voilà lancés dans un voyage de cinq mille kilomètres, en bus, à travers le Brésil, de Rio de Janeiro au sud à São Luis de Maranhão au nord.

Aussi enlevé que rigoureux, le récit de ce périple dévoile de passionnantes pépites brésiliennes, compléments indispensables à l’histoire officielle : les hommes et les femmes qu’ils rencontrent ont en commun d’être noirs, descendants d’esclaves, d’avoir participé par leur courage, leur créativité et leur résistance, à l’édification de l’identité et de l’âme brésiliennes. Mais surtout, ils sont restés dans l’ombre, oubliés sur le bas-côté de la route de l’Histoire, la grande, fabriquée et racontée par les colons blancs d’abord puis par leurs héritiers.

Jean-Yves Loude et Viviane Lièvre ont entrepris une œuvre splendide d’humanité et d’ouverture : ils sont partis à la recherche de ces destins oubliés. Partout : dans un asile, au sommet d’une favela, dans le grenier d’une église, dans le sourire d’une sculpture du 18e siècle, dans les fresques sur les murs d’une rue déglinguée et même au fin fond de la campagne, dans un quilombo (communauté résistante) dirigé par des femmes.
Sur leurs pas, on découvre émerveillé le destin de Bené da Flauta, artisan, musicien et bohème enchantant les rues d’Ouro Preto, de Chico Rei, l’esclave qui fut roi des deux côtés de l’Atlantique, de Manoel Dias de Oliveira, compositeur oublié et pourtant génial du baroque, de Nega Vilma, favelada (femme de la favela), guérisseuse et accoucheuse à Rio, de Zumbi dos Palmares, le héros national, d'Aleijadinho, le sculpteur métis, l’homme qui fut plusieurs fois noir et qui orna le Minas Gerais de chefs d’œuvres d’architecture.
Et surtout la perle de toutes les perles, la sublime Zayda Costa, Dona Zayda Costa, qui porte le Tambor de Crioula dans les écoles pour apprendre aux enfants brésiliens à être fiers de leurs racines noires.

Tous ces personnages revivent dans l’écriture légère et foisonnante de Jean-Yves Loude, on imagine leur visage, on devine leurs peines, leurs chagrins, leurs frustrations mais aussi leurs joies, leur bonheur d’être une petite part de ce pays encore jeune qui ne se souvient pas toujours bien d’où il vient ni et qui ne sait pas encore tout à fait où il va.

Grâce au travail documentaire de fourmi de Viviane Lièvre et au talent de conteur hors pair de son époux, le Brésil vous emporte dès la première page. Le voyage se fait dans l’espace et dans le temps. Lorsqu’on finit par revenir dans son fauteuil, on est plus riche de ces mémoires oubliées, de ces destins flamboyants ou simplement atypiques mais surtout de ces liens insoupçonnés entre Afrique, Europe et Brésil.
Jean-Yves Loude est parti à la recherche de pépites et nous livre la plus belle de toute : son livre.

«Pépites brésiliennes» - Jean-Yves Loude – Editions Actes Sud – 23 euros

Quand l’Angola s’invite au Brésil...

J’ai une affection particulière pour José Eduardo Agualusa, vous le savez déjà. Je vous ai parlé il y a peu de «Barroco Tropical».
Aujourd’hui, pour cette spéciale Brésil, je vous invite à plonger dans «La guerre dans anges».

Les morros et les favelas de Rio sont en flammes, la police, sous couvert de répression du trafic de drogue, a mitraillé une procession religieuse et tué des enfants. Le jour approche où cette guerre va descendre sur la ville et les beaux quartiers du bord de mer.
Francisco, un ancien colonnel de la Sécurité en Angola, installé au Brésil pour fuir les pièges d’un amour féroce et les tourments de sa mémoire, prépare ce jour en vendant des armes. Un journaliste angolais plonge dans cet incendie à la recherche de réponses aux questions que peu de gens veulent bien se poser. Racisme ou mépris social ? Emeute ou révolte d’esclaves ?

A travers les destins de ces inoubliables personnages comme Jaraca le jeune chef de bande charismatique, Catiavala, le colonel à la voix de Nat King Cole, Euclides, le journaliste nain, Jacaré le rappeur fou de drogue, Anastácia la spécialiste de l’ayahuasca et des vagins dentés, Florzinha la belle vénéneuse ou Monte le tortionnaire rédacteur de discours présidentiels, le roman d’Agualusa nous plonge dans une autre réalité du Brésil.

En 1888, la Princesse Isabelle, fille de l’Empereur Dom Pedro II, signa La Loi d’Or. Cette loi ne contenait que deux articles affranchissant les esclaves. Rien de plus. Aucune disposition pour leur permettre l’accès à la propriété ou à l’éducation, aucun capital pour subvenir à leurs besoins, aucune formation professionnelle. Livrés à eux-mêmes, dépourvus de ressources, les anciens esclaves ont bâtis leurs communautés et leurs villages en bordure des villes, donnant naissance aux morros et aux favelas d’aujourd’hui.

Plus de cent ans plus tard, en situant son roman dans les favelas de Rio embrasées par la lutte entre la police et les trafiquants, Agualusa pressentait ce qui s’est passé lors de la préparation de cette coupe du monde : expropriations, «pacification» des favelas par les forces spéciales de la police brésilienne, manifestations pour réclamer des infrastructures essentielles à la population telles que des écoles, des égouts ou des hôpitaux plutôt que des stades qui deviendront après la coupe des éléphants blancs.

Outre son exubérance habituel, Agualusa fait œuvre de sociologue dans ce roman, comme dans tous les autres. Il fait vivre des personnages d’un réalisme troublant, notamment Florzinha qui n’est autre que la version romancée d’Isabel, la fille du président angolais José Eduardo Dos Santos, femme la plus riche d’Afrique et sans doute la plus influente, aussi.  Il nous livre les clefs d’une société brésilienne en pleine mutation, qui se cherche encore, qui tente d’intégrer son passé indien, ses racines noires, sa mauvaise conscience esclavagiste, ses atouts touristiques et sa diversité.

Un roman vibrant et palpitant comme une samba, mystérieux comme une cérémonie du candomblé, où les eguns, les esprits des ancêtres, veillent aussi bien que le Christo Rei sur les trafiquants, les filles de joie ou les fous. Ou les journalistes nains…

«La guerre des anges» – José Eduardo Agualusa– Editions Métaillé – 20,50 euros

Un manga tout doux pour les petits : Pan'pan Panda.

Deuxième coup de cœur du jour : le très joli manga "Pan'Pan Panda" de Sato Horokura, publié aux éditions Nobi-Nobi, à faire découvrir aux enfants dès 6 ans.

Panettone est un panda qui vit avec Praline, une petite fille adorant la cuisine.
Chaque chapitre présente un moment de leur vie quotidienne, qu’il s’agisse de choisir le foulard de Panettone, de préparer les fêtes de Noël ou d’accueillir de nouveaux voisins.
D’ailleurs, au fil du temps, Panettone et Praline vont rencontrer de nouveaux personnages, chacun avec son petit caractère : leurs petites voisines Prune, qui tombe en admiration devant le panda, et Paprika la tête de mule, mais aussi le frère de Prune, la jolie grande sœur de Paprika etc…
Tout ce petit monde se croise dans la résidence Kanda et vit ensemble les petits bonheurs du quotidien!
Plein de fraîcheur, Pan'Pan Panda est un manga agréable aux couleurs douces et à l’ambiance apaisante. Impossible d’y résister!

De magnifiques contes chinois et japonais !

Alors que l'adaptation du "Conte de la Princesse Kaguya" par les studios Ghibli sort en ce moment sur les écrans, je me suis mise en quête d'une belle édition de ce conte japonais du Xe siècle.
Et là, gros coup de cœur pour les éditions Nobi-Nobi et leur superbe catalogue de contes traditionnels chinois et japonais.
Retrouvez donc à la librairie dès aujourd'hui les principaux titres de ce catalogue, édités avec un dessin moderne, de style manga.

L'Angola, pays improbable...

J'ai découvert l'Angola en 2007 lorsque j'y ai été mutée pour quelques années. Un pays richissime et pauvre à la fois, magnifique aussi malgré les ravages de trente ans de guerre civile.

Il m'a donc fallu apprendre le portugais. J'ai pris des cours et mon professeur, pour parfaire ma connaissance de la langue m'a mis un livre entre les mains : « A estaçao das chuvas » de José Eduardo Agualusa. En français « La saison des fous ». Et ce fut une révélation. Je suis tombée amoureuse de l'écriture d'Agualusa, de sa poésie et de tout son amour pour ce pays pourtant difficile à comprendre.

Je continue depuis à lire le moindre de ses romans. En français maintenant. Par chance, ils sont très bien traduits. Il y a peu, je me suis donc jetée sur « Barocco Tropical ». Et je n'ai pratiquement pas pu le refermer avant de l'avoir terminé.

L'histoire commence lorsqu'une femme tombe du ciel et s'écrase sur la route devant Bartolomeu au moment où éclate une tempête tropicale et où sa maîtresse lui annonce qu'elle le quitte.

Cette femme, Bartolomeu la connait. Il l'a croisée dans des aéroports, s'est retrouvé à côté d'elle dans un avion et il décide de percer ce mystère alors que tout change autour de lui. Il découvre que la morte, mannequin, ex-miss et ex-présentatrice de télévision, avait fréquenté le lit d'hommes politiques et d'entrepreneurs, devenant ainsi gênante pour certains et il comprend qu'il sera la prochaine victime.

Il croisera le chemin d'une chanteuse à succès, d'un trafiquant d'armes ambassadeur auprès du Vatican, d'un guérisseur ambitieux, d'un ex-démineur aveugle, d'un dandy nain, d'une prêtresse de canbomblé adepte du mariage, d'un jeune peintre autiste, d'un ange noir ou de son ombre.
Il explorera Luanda en 2020, métaphore de la société angolaise où les traditions ancestrales cohabitent difficilement avec une modernité mal assimilée. Il s'enfoncera dans la Termitière, gratte-ciel inachevé mais déjà en ruine où les riches vivent dans les étages tandis que les pauvres et les truands occupent les sous-sols.

L'écriture d'Agualusa est si puissante qu'elle vous transporte : on se retrouve dans les rues de Luanda, au milieu du bruit, du trafic, de la poussière, des mendiants, sous le soleil écrasant, cerné par les demeures coloniales délabrées, les immeubles inachevés et les tours de verre. On respire l'air chaud, le parfum de l'océan mêlé à celui des bougainvillés, les relents des tas d'ordures au milieu des rues, les odeurs de cuisine, on entend les cris des marchands ambulants, les aboiements des chiens errants, les klaxons des conducteurs toujours pressés, l'argot des luandais et surtout la musique. Présente partout, aussi bien le jour que la nuit, la kizomba, le kuduro, le fado de l'ancien occupant portugais. On découvre une ville en convulsion où l'insolite est toujours présent et intimement mêlé au prosaïque et au quotidien, où la réalité tend à être beaucoup plus invraisemblable que la fiction.
Et on est saisi par ce que les lusophones appellent saudade, cette nostalgie si particulière.

Avec ette prose magnifique, Agualusa, en bon amoureux des mots, définit son pays comme une culture de l'excès, que ce soit dans la façon de s'amuser ou dans la façon de manifester ses sentiments ou sa souffrance.

La seule chose qu'il faille garder à l'esprit lorsqu'on lit Agualusa, c'est que "Luanda se précipite à toute allure vers le Grand Désastre. Huit millions de personnes hurlant, pleurant et s'esclaffant. Une fête. Une tragédie. Tout ce qui peut arriver arrive ici. Ce qui ne peut pas arriver arrive aussi. Un jour, quelqu'un a peint une phrase sur le mur de l'aéroport international de Luanda : "Bienvenue à Lua. Entrez et laissez la raison à l'extérieur."

« Barroco tropical » - José Eduardo Agualusa – Editions Métailié – 19 euros

Connaissez-vous Mma Ramotswe ?

Alexander McCall Smit est né et à grandi au Zimbabwe. Âgé aujourd'hui de 66 ans, il vie à Edimbourg où il est professeur de droit appliqué à la médecine. Il est le « père » d'un personnage attachant, au cœur grand comme l'Afrique, Mma Ramotswe, première femme détective privé du Botswana.

Precious Ramotswe est née en bordure du Kalahari. Son père, devenu mineur en Afrique du Sud faute de travail dans son pays, a économiné consciencieusement chaque rand gagné là-bas afin d'acheter un troupeau de bœufs qu'il a fait prospérer pour le léguer ensuite à sa fille.

Mais Mma Ramotswe n'a aucune envie de se lancer dans l'élevage. Elle vend donc le troupeau hérité de son père et avec l'argent ainsi disponible, elle s'achète une maison et fonde l'Agence No 1 Des Dames Détectives en dépit de ceux qui pensent que son projet est voué à l'échec. A-t-on besoin de détectives au Botswana ? Pire, d'une femme détective ?

Tenace, elle ne renonce pas face au pessimisme et au machisme ambiant : elle embauche une secrétaire et commence à se faire un nom. Attention ! Face à la perspicacité de Mma, les escrocs, les maris infidèles et même les sorciers n'ont qu'à bien se tenir !

Armée d'une tasse de thé rouge et de son bon sens infaillible, secondée par sa fidèle secrétaire et son ami garagiste J.L.B. Matekoni, Mma Ramostwe résoud toutes les affaires : du père de famille indien inquiet de voir sa fille fréquenter un garçon contre sa volonté, du mari volage à l'usurpateur d'identité jusqu'au meurtre d'un petit garçon.

Dans le premier volume d'une série qui en compte à ce jour treize, on suit donc l'établissement de Mma Ramostwe, ses premières affaires, ses premières difficultés et ses premiers succès dans un pays certes relativement démocratique mais où la pauvreté, la sécheresse, la corruption et certaines coutumes insensées font parfois encore des ravages sur les vies humaines.

Alexander McCall Smith aime son Afrique natale. Il nous fait respirer le vent chaud venu du Kalahari et confie le raccomodage des vies à un personnage attachant, bourré de tendresse, de bon sens et d'amour pour ce continent et ses peuples.

« Mma Ramotswe détective » - Alexander McCall Smith – Editions 10 x 18 – 7,10 euros

Coup de coeur pour "Café noir" !

Je viens d'avoir un coup de cœur pour le sublime recueil de Raymond Charretier "Café noir".
C'est beau, c'est drôle, c'est émouvant, c'est original, c'est plein de tendresse et de poésie. Je l'ai dévoré en quelques heures, quasiment d'une traite, impossible de le reposer après l'avoir ouvert !
Chacune des nouvelles m'a emportée avec elle dans un univers toujours différent avec des personnages auxquels on ne peut pas ne pas s'attacher.
Voilà un livre que je vous conseille. A offrir ou à s'offrir. Parce que quelques heures de plaisir littéraire, ça ne peut faire que du bien !

Je suis née en 1981. Je fais donc partie de cette génération qui a été nourrie aux dessins animés japonais. Les Chevaliers du Zodiaque, Candie, Ulysse 31, Les Mondes Engloutis, Cat's Eyes et des dizaines d'autres. Parmi eux, il y avait Astro Boy.

Astro est un enfant robot né de l'imagination de Osamu Tezuka, l'un de pionniers du manga. Le manga a été publié au Japon de 1952 à 1968 avant d'être adapté en dessin animé puis en long métrage animé en 2009.

A travers les aventures d'Astro, ses rapports avec son créateur, le Docteur Tenma, qui l'a créé pour remplacer son fils décédé, le manga posait la question de la cohabitation des humains et des robots.

De l'autre côté, il y a Naoki Urasawa, dessinateur  de manga de génie, auteur de "Monster", de "Master  Keaton" et de "20th Century Boys", récompensé par d'innombrables prix. Né en 1960, Urasawa a grandi avec  Astro. Lorsqu'il découvre, à quatre ans, "Le robot de plus fort du monde" (une histoire dérivée d'Astro Boy), c'est la révélation ! Il recopie les personnages de Tezuka dans ses cahiers et décide de devenir dessinateur.

Une quarantaine d'années plus tard, il reprend alors cette  œuvre grâce au fils du créateur Makoto Tezuka, qui lui confie en 2003 l'histoire du "Robot le plus fort du  monde" à l'occasion de l'anniversaire fictif d'Astro (né le 7 avril 2003 dans le récit).

"Pluto" est alors pré-publié dans la revue japonaise Big Comic Original par l'éditeur Shōgakukan à  partir de septembre 2003.
 

Après les deux séries best-sellers "20th Century Boys" et "Monster", "Pluto" tarde à sortir en France, les fans s'impatientent et finissent par acheter les versions anglaises.
L'éditeur Kana annonce finalement l'acquisition des droits de "Pluto" en France et la publication de ses deux premiers tomes à partir de février 2010.

"Pluto" n'est donc pas une œuvre récente. Pourtant, elle tourne autour de thèmes de plus en plus actuels, à l'heure où l'intelligence artificielle commence à pointer le bout de son nez, où la robotique accomplit des progrès fulgurants, où la bionique fait son apparition dans les hôpitaux. Et où le robot Nao, fabriqué par la société française Aldebaran, interagit dans les écoles avec des enfants autistes pour les aider à apprendre.

Dans le monde futuriste de Tezuka, la société voit les êtres humains partager leur vie quotidienne avec des robots qui leur ressemblent étrangement. Ces robots vivent, pensent, agissent, vont à l'école, font des enquêtes, sont secrétaires, chauffeurs de taxi...

Un code de lois régit la vie des robots. De ce point de vue, Tezuka et plus tard Urasawa se sont basés sur les trois lois de la robotique écrites par Asimov il y maintenant soixante-douze ans.
1. Un robot ne peut porter atteinte à un être humain, ni, restant passif, permettre qu'un être humain soit exposé au danger.
2. Un robot doit obéir aux ordres que lui donne un être humain, sauf si de tels ordres entrent en conflit avec la Première loi.
3. Un robot doit protéger son existence tant que cette protection n'entre pas en conflit avec la Première ou la Deuxième loi.

L'inspecteur Gesicht d'Europol est un robot fatigué et déprimé qui se voit confier une nouvelle enquête : découvrir qui, et pourquoi, assassine l'un après l'autre les robots les plus puissants de la planète ainsi que de célèbres savants... Chaque corps (robot ou humain) se retrouve avec des cornes plantés dans le crâne par le meurtrier.

Pour mener cette enquête, il doit renoncer à ces vacances avec sa femme dont il rêve tant et dont il a tant besoin et mettre de côté ses rêves qui fascinent le Professeur Schumann, chargé de sa maintenance. Car un robot qui rêve, ce n'est pas commun. Est-ce encore un robot ou bien a-t-il une âme ? Devient-il humain ?
Ici encore, le clin d’œil aux pères fondateurs de la  science-fiction est présent. On pense forcément à Otto  Binder, l'auteur de « I, robot » ou au roman de Philip K  Dick « Les androïdes rêvent-ils de moutons  électriques ? », adapté au cinéma par Ridley Scott sous le  titre « Blade Runner »
 

Qui donc peut commettre ces meurtres ? Un humain n'aurait pas la force de tuer des robots mais les  robots sont programmés afin de ne jamais s'en prendre aux humains. Alors qui ? Ou quoi ?
 

Les victimes ont pour point commun d'être des vétérans de la 39e guerre d'Asie mais tous ont  maintenant une nouvelle vie plus calme et rangée, comme Mont Blanc, la première victime, qui était  devenu garde forestier et qui était aimé de tous.
 

En dépit du fait qu'il n'est pas le héros, Astro, le personnage principal de l'ancienne version de l'histoire, est présent comme personnage récurrent dans cette adaptation. Il en devient même très vite un élément essentiel car il se pourrait bien qu'il soit l'une des prochaines victimes du tueur. Lui ou sa petite sœur. Ou même l'inspecteur Gesicht.

"Pluto" est donc un magnifique manga. Tant par la qualité du dessin que par l'univers futuriste sombre dans lequel il nous emporte. Également grâce au regard acéré qu'il porte sur notre société et aux différents niveaux de questionnement sur les relations entre hommes et robots : un robot qui rêve et qui éprouve des émotions est-il encore une simple machine ou devient-il un être sensible ? Un humain amélioré ou réparé grâce à la bionique est-il encore un humain ou devient-il un robot? Quelle place accorderons-nous aux robots et quel respect leur porterons-nous lorsqu'il évolueront parmi nous, nous qui ne sommes même pas capables de légiférer pour donner une protection légale aux animaux ? Fabriquerons-nous des robots esclaves pour lesquels nous n'auront pas plus de considération que pour une cafetière  ?

"Pluto" s'inscrit donc avec brio au panthéon des grandes œuvres de science-fiction – devrais-je dire d'anticipation ? – aux côtés d'innombrables romans comme "I, robot", "Le cycle des robots", "Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques", "L'homme bicentenaire", "Ghost in the Shell" et bien d'autres.

"Pluto" - série en huit tomes – Editions Kan – 7,45 euros par tome

Les Fleurs de Séraphin

 

Mon coup de cœur du jour !
Séraphin est un fleuriste inventeur de graines. Sa plus belle réussite : des fleurs qu'ils suffit de sentir pour tomber amoureux.
Séraphin est veuf aussi. Il a perdu sa femme Marguerite, qu'il aimait plus que tout.
Alors quand la jolie Rose entre dans sa boutique et lui demande ses fleurs en forme de cœur, Séraphin panique. il ne veut pas tomber amoureux de Rose car il aime toujours Marguerite.
Mais peut-on vraiment lutter contre ses sentiments ?

Un magnifique album, très émouvant, que l'on doit à Christelle Huet-Gomez et Delphine Brantus-Maingny, sur un thème émouvant expliqué avec beaucoup de finesse aux enfants : oui, on peut être vieux, avoir aimé, être persuadé qu'on n'aimera plus jamais et retomber quand même amoureux. Sans trahir celui ou celle qu'on a perdu.

"Les fleurs de Séraphin" - Editions Grenouille - 14.9 euros - inclus un sachet de graines à planter.

Espoir, vous avez dit espoir ?

Shalom Auslander est né en 1970 à Monsey dans une famille juive orthodoxe. Devenu écrivain et  essayiste, il a publié dans de nombreux journaux et magazines américains comme Esquire ou le New York Times. Après des Mémoires, "La lamentation du prépuce" et un recueil de nouvelles "Attention, Dieu  méchant", "L'espoir, cette tragédie" est son premier  roman.
 

Comme dans ses œuvres précédentes, Shalom Auslander y brocarde gaillardement et avec un humour jubilatoire le milieu juif orthodoxe qui l'a vu naître et  grandir. 
"L'espoir, cette tragédie" commence quand Solomon Kugel, optimiste maladif au point d'en devenir  paranoïaque, décide de tout plaquer et d'installer sa  famille dans une ferme paumée. Sa femme Bree n'est pas forcément réjouie par cette idée mais, convaincue que la  grande ville a rongé leur couple et la santé de leur jeune fils, elle accepte de le suivre, espérant sans doute recoller les morceaux de leur histoire d'amour.
 

Cependant acheter une (vieille)  ferme est coûteux, même quand on la paye en dessous du prix du marché parce que le toit fuit, que certaines fenêtres ne s'ouvrent plus, que d'autres ne se  ferment plus et qu'il y règne une étrange et indéfinissable odeur. Alors Solomon signe une hypothèque et pour éviter la banqueroute, il accepte l'idée de sa femme de louer les deux chambres du rez de  chaussée.
 
 Là où les choses se gâtent, c'est quand la mère de Solomon décide de venir vivre avec eux, occupant une des deux chambres à louer (sans payer de loyer, bien entendu), les privant donc d'une partie de leurs revenus. Et tout cela ne serait rien si cette dernière, bien que née à Brooklyn en 1945, n'avait décidée de seriner toute la famille et en particulier son fils avec la Shoah qu'elle n'a bien évidemment pas connue.

Cela pourrait-il être pire ?
Bien entendu ! Car un pyromane rôde dans la région et incendie des tas de fermes en tous points semblables à celle de Solomon !

Mais comme le dit bien la Loi de Murphy : les choses peuvent toujours être pires.
Voilà que Solomon débusque dans son grenier une vieille dame acariâtre, une icône de l'Histoire déterminée à rétablir la vérité : Anne Frank !
D'abord, dit-elle la vérité ou n'est-elle qu'une vieille folle malodorante ? Mais que faire d'elle ? Appeler la police pour la mettre dehors ? Au risque de passer pour un sans-cœur, un juif indigne qui jette une survivante de l'Holocauste à la rue ? Attendre qu'elle ait terminé son livre et qu'elle parte d'elle-même ? La tuer ? Attendre qu'elle meure ? D'accord, mais comment se débarrasser du corps ? En parler à Bree ? Ou ne rien dire ? Solomon hésite...

Le temps joue pourtant contre lui : le locataire de la deuxième chambre réclame un espace au grenier pour stocker ses affaires. Et il se fait insistant ! Sans compter que Bree veut transformer le grenier en bureau, qu'elle finira donc tôt ou tard par y monter et tomber sur cette vieille dame...

Bref, Solomon est coincé au milieu de tout ce petit monde, de ses allergies, de son intolérance au gluten, de son empathie insensée pour les meubles et les objets, de sa mère qui se réveille en hurlant tous les matins parce qu'elle a lu dans un livre que les rescapés des camps faisaient la même chose et de son locataire antipathique qui menace de faire appel à un avocat pour annuler le bail et se faire rembourser tous les loyers versés si on ne lui donne pas rapidement son bout de grenier.
Et pendant ce temps, le pyromane rôde et pour couronner le tout, le psy de Solomon, le Docteur Jovia, n'est pas disponible...

Voilà donc un roman jubilatoire, un peu comme si Groucho Marx et Stan Laurel débarquaient chez Elie Wiesel pour montrer que le devoir de mémoire n'exclut pas le droit à l'humour. Et que le rire peut être une arme redoutable, une façon de résister aux horreurs de l'Histoire.
Le tout avec respect voire même une certaine tendresse. Et surtout avec cette écriture fluide et vraie qui caractérise Shalom Auslander. Un peu comme s'il était là en face de vous, en train de vous raconter une bonne blague.

Une bonne manière d'attendre le printemps, en riant un peu. En riant jaune, oui, d'accord. Mais en riant quand même...

"L'espoir, cette tragédie" -  Shalom Auslander – Editions 10-18 – 8,40 euros

Un train, un cadavre, un chapeau et un bien étrange tailleur allemand...

 

Voilà les ingrédients de l'excellent essai de Kate  Colquhoun "Le chapeau de M. Briggs".

En 1864, M. Briggs, respectable employé de banque londonien est retrouvé agonisant sur les rails de  la voie de chemin de fer du North London Railway qui  lui permettait d'aller de son domicile en banlieue à la  City.
Un chef de train découvre également qu'un des compartiments est maculé de sang, on y retrouve aussi un chapeau cabossé et le sac de M. Briggs.

Très vite, les soupçons pèsent sur Franck Müller, un tailleur allemand de 24 ans, gentil mais un peu  mythomane, qui s'avère être en possession de la chaîne de montre et du chapeau de M. Briggs et qui a égaré un chapeau ressemblant étrangement à celui retrouvé dans le  compartiment.

Seulement voilà, il ne s'agit de de preuves indirectes. Rien ne relie concrètement Franck Müller au compartiment de train où le meurtre à eu lieu. On ne retrouve pas l'arme du crime, les vêtements qu'il portait ce jour-là ne sont pas tâchés de sang. Il a aussi un alibi.
Et M. Briggs a été vu par une connaissance dans le compartiment avec deux autres hommes à la mine patibulaire quelques minutes avant le départ du train. Sont-ils les assassins ? Sont-il descendus du train avant son départ ?

Bref, l'opinion, via la presse, s'empare des faits. A une époque où le chemin de fer est synonyme de progrès mais aussi de danger potentiel (les accidents sont monnaie courante, Charles Dickens a d'ailleurs failli y laisser la vie à peine un ans plus tard), cette affaire relance le débat sur les compartiments qui s'ouvrent sur la voie et ne communiquent pas entre eux. En effet, seuls les trains américains bénéficient déjà de wagons à couloir comme on en a l'habitude de nos jours. En cas de problème ou de danger, les passagers ne peuvent donc pas communiquer avec les autres compartiments ou avec le conducteur du train.

Le suspect lui-même est bien étrange. Il s'est embarqué sur un bateau à destination de New York une semaine après le meurtre. C'est d'ailleurs là-bas que la police londonienne l'arrêtera.

Une fois arrêté, il ne prononce quasiment pas un mot, se dit innocent mais refuse de s'expliquer.

Ramené à Londres, il sera traduit devant la justice, suscitant un autre débat : celui de la peine de mort. A l'époque, de nombreuses personnalités comme Dickens ou Tackeray y sont opposées. Mais la société victorienne moralement rigide réclame un coupable et un châtiment exemplaire.
Franck Müller en fera les frais, quelques jours à peine après ses 24 ans.

Il laissera derrière lui de nombreuses questions en suspens : qui était cette prétendue sœur qu'il prévoyait de rejoindre à New York et qui ne s'est jamais manifestée bien qu'il ait été arrêté et lui ai adressé de nombreux messages ? Qui était la jeune femme qui s'est présentée aux guichets de la prison de Newgate à Londres pour le voir après son procès et que l'administration pénitentiaire a refoulée ? Pourquoi le Parquet anglais a-t-il toujours refusé de transmettre à son père, en Allemagne, les feuillets que Franck Müller a rédigés dans les heures précédant son exécution ?

A travers un fait divers somme toute relativement banal, Kate Colquhoun réussit, grâce à un remarquable travail de recherche, à explorer les arcanes morales bien pensantes de la société victorienne et ses contradictions. Elle nous éclaire également sur cet attachement tout britannique à un genre littéraire qui sera créé par Dickens en 1870, soit six ans après le drame : le roman policier. En particulier autour de la figure de l'enquêteur, inspirée par des policiers célèbres en leur temps, comme l'Inspecteur Tanner qui arrêta Franck Müller, et qui donnera naissance à des figures littéraires mythiques comme Sherlock Holmes ou Hercule Poirot...

Bref, encore une belle réussite que l'on doit, pour sa parution en France, aux éditions 10-18.

"Le chapeau de M. Briggs" - Kate Colqhoun – Editions 10-18 – 8,80 euros

Eddy n'a pas de chance...

"Pour en finir avec Eddy Bellegueule" a été publié dans la catégorie roman. Pourtant, il s'agit bien d'une histoire autobiographique.

Édouard Louis a 21 ans, il étudie à Normal Sup à Paris et son premier roman connaît un immense succès.
Mais avant Édouard, il y avait Eddy. Eddy Bellegueule, c'est son vrai nom.

Eddy n'a pas de chance, il est né dans une famille pauvre du Nord, il patauge durant toute son enfance dans un milieu social à la lisière de la misère, où personne n'échappe à la violence, à l'échec scolaire, au chômage et à l’alcoolisme.

Il vit avec sa famille dans une maison qui n'en a que le nom, qui tombe en ruines, sans véritables cloisons entre les pièces, où on n'a pas d'argent pour remplacer une vitre cassée (alors on y met du carton). Où la télévision ne s'éteint jamais et devient l'unique vision du monde. Où il faut tenter de faire ses devoirs sur la table maculée de graisse de la cuisine, au milieu des épluchures et des miettes de chips. Où la tante à moitié folle vit dans les déjections de ses dizaines de chiens et s'arrache les dents avec une tenaille lorsqu'elle est ivre. Où il faut parfois aller voler du maïs ou des petits pois dans les champs alentour pour remplir son assiette.

Alors, comme dans beaucoup de régions réputées dures parce que ravagées par les guerres, le chômage et l'ultralibéralisme, cette peste des temps modernes, un mec doit être un vrai mec et   une fille une vraie fille. Il faut être un dur, ne pas avoir peur de cogner dans les bagarres de bistrot, il faut aimer le foot, la bière et la télé. Il faut être viril, quitte à faire preuve d'une virilité crasse et obtuse.

Au milieu de tout cela, Eddy ne se sent pas à sa place. Il est différent. Il se sait, il l'a toujours su. Son entourage le sent, comme un animal renifle l'odeur de la peur sur sa proie. Alors Eddy est brimé, rudoyé, aller au collège signifie être frappé, chaque jour, être insulté, mis à l'index.

Eddy est homosexuel dans un monde où « on aime pas les PD ».

Il va tout faire pour effacer ce qui est considéré dans son milieu social comme une tare absolue. Il tentera de jouer au dur, de sortir avec des filles, il modifiera sa façon de parler et de marcher, il criera sa haine des homos pour détourner les soupçons, il fera semblant de ne pas aimer les poupées, les chanteuses de variété et le théâtre. Bref, il fera tout son possible pour se fondre dans la masse, pour ne plus entendre crier sur son passage « Voilà la pédale ! ».

En dépit de tous ses efforts, Eddy ne trouvera qu'une seule solution : la fuite. Grâce à une bourse pour étudier le théâtre qui lui ouvre les portes d'un lycée d'Arras où il sera interne et ensuite en intégrant Normal Sup à Paris. Il sera le premier dans sa famille à faire des études supérieures.

En 220 pages, Édouard Louis nous livre le récit d'une enfance aux accents zoliens mais il ne tombe jamais dans le misérabilisme. Taxé de « prolophobie » par sa famille, il se défend pourtant de les juger.

Son livre sonne plutôt comme un grand cri d'amour pour cette mère dépassée par les événements, les grossesses et la misère mais qui trouve la force de prétexter un jeu dans les bois lorsqu'elle doit emmener ses enfants ramasser des branches mortes pour chauffer la maison pendant l'hiver ; pour son père aussi qui se bagarre mais qui ne lèvera jamais la main sur ses enfants, qui défend en douce un homo pris à part part des butors alors qu'il est le premier, au bistrot, à clamer son homophobie ; pour sa grande sœur qui rêvait d'être infirmière mais qui se contentera de se mettre en ménage avec un garçon du village qui la battra.

Eddy est devenu Édouard, il a fini par échapper à la spirale infernale de la misère qui ronge sa famille depuis plusieurs générations mais c'est sans doute au prix d'un immense malentendu avec les siens qui ne se doutaient pas de l'étendue des brimades subies pendant de longues années.

En livrant son parcours sous couvert d'une autofiction, il nous ouvre les yeux sur l'intolérance au quotidien mais aussi sur des lieux oubliés par la croissance et le progrès. Edouard Louis a lu Pierre Bourdieu, il ne fait pas que raconter, il analyse aussi avec l’œil du sociologue. Il pose la question de l'inéluctabilité des lois de la reproduction sociale.

Car des Eddy Bellegueule, il y en a d'autres. Dans le Nord ou ailleurs. Des jeunes homosexuels rejetés, brimés, qui doivent mentir pour trouver leur place parmi les leurs ou qui choisissent la fuite pour pouvoir exister.

C'est un grand et beau roman, dur, qui vous prend aux tripes, qui révolte, qui indigne, qui émeut. On est loin de l'exhibitionnisme contemporain.

«Pour en finir avec Eddy Bellegueule» - Édouard Louis – Éditions du Seuil – 17 euros

Une nouvelle aventure pour Heyo, le petit Sioux !

Après le succès largement mérité de leurs albums "Etoile des Forêts" et "Heyo", Corbeau et Christian Offroy sont de retour pour le plus grand plaisir des patits (et aussi des grands!) avec une nouvelle aventure de Heyo, le petit Sioux, intitulée "Rêve de Hibou".

Un nouvel opus plein de poésie et de tendresse, toujours servi par des illustrations d'une qualité exceptionnelle.

Alors, plus une minute à perdre ! Venez vite découvrir la nouvelle aventure de Heyo !

"Mjollnir" : un marteau, des dieux et la fin d'un monde...

La mythologie nordique, tout le monde connaît  plus ou moins, ne serait-ce que grâce à Monsieur Tolkien  qui, en en faisant la base de toute son œuvre, et donc la  base de toute la littérature d'heroic fantaisy, l'a faite  entrer dans notre inconscient collectif.
Et aussi grâce à Wagner et ses opéras.
 

Créer une bande dessinée sur la mythologie nordique,  c'est donc un pari risqué. Parce que le sujet est loin d'être  original. Depuis « Walkyrie » à « Loki » en passant par,  « Thorgal » et bien d'autres, beaucoup d'auteurs de BD  s'y sont déjà essayés. Sans parler du flamboyant  « Thor », publié depuis des décennies chez Marvel !

Pourtant, Peru et Goux ont réussi. « Mjöllnir », c'est du  lourd, du vrai, du beau, du violent. De la saga nordique dans toute sa splendeur.

Tout commence lorsqu'un guerrier nain nommé Thor engage ses hommes dans une attaque contre une cité humaine. Il veut libérer les siens qui ont été enlevés  pour servir de chair à ours dans les arènes du seigneur  Hakonn.
Malheureusement, son attaque échoue, il se retrouve pris au piège et demande à se battre contre Harkonn. Ce dernier, méprisant, se moque de ce nain qui porte le nom du plus fort de tous les dieux et lui donne un simple marteau comme arme.
Mais le marteau attire bientôt la foudre, comme s'il était  Mjöllnir lui-même et Harkonn meurt foudroyé.
Thor, vainqueur, rentre dans son village.

Cependant, la rumeur enfle : le nain serait-il un dieu ? Serait-il capable de mener son peuple, menacé d'extinction et relégué par les hommes en marge de Midgard vers la reconquête de son statut et de ses terres ? Et quelle est cette étrange vision soudain venue aux elfes, eux aussi menacés de disparition par les hommes ?

Lorsque le fils de Thor est tué par des envoyés du seigneur Liktur, un noble fourbe et sans scrupules prêt à tout pour détruire la source de la rumeur avant qu'elle ne donne espoir au peuple nain, Thor décide qu'il fera tout pour ramener son fils d'Helheim, le monde des morts.

Mais les souvenirs d'une ancienne vie resurgissent bientôt et la quête de l'âme de son fils pourrait prendre une toute autre tournure, celle du Ragnarök, le crépuscule des dieux.
Que se passera-t-il lorsque le nain Thor sera au portes d'Asgard, la demeure des dieux, à la tête d'une armée de nains, d'elfes, d'hommes et de spectres ?
Le destin d'Odin, le père de tous les dieux, ne tiendra plus qu'à un fil. Un minuscule fil parmi tant d'autres dans l'immense tapisserie du destin tissée par les Nornes...

En seulement deux tomes, Peru et Goux réinterprètent avec brio la mythologie nordique tout en respectant à la lettre ses fondamentaux et ses codes. C'est brillant, le dessin est de très grande qualité et le scénario irréprochable.
Une belle réussite à rajouter au palmarès de la collection Soleil Celtic éditée chez Soleil Productions.

« Mjöllnir – Tome 1. Le marteau de l'enclume » - Peru & Goux – Editions Soleil Celtic – 14,50 euros
« Mjöllnir – Tome . Ragnarök » - Peru & Goux – Editions Soleil Celtic – 14,50 euros

Majorana, le physicien absolu.

Avant de croiser ce livre d’Étienne Klein, je n'avais jamais entendu parler de Majorana. Comme la  plupart d'entre vous, sans doute.
Si, j'avais bien lu ou entendu des choses sur le fermion de Majorana, la particule de Majorana ou encore  l'équation de Majorana au hasard de mes lectures sur la  physique quantique, la physique nucléaire ou la physique  théorique. Sans pour autant me demander qui était ce  monsieur.

 Ettore Majorana est né en 1906 en Sicile. Il devient très vite un jeune homme extrêmement brillant  (quoi que brillant soit un mot un peu faible pour définir ses incroyables capacités intellectuelles), maigre, aux yeux sombres et incandescents et totalement inapte à vivre en société.

Car le génie à toujours son contrepoids. Si Fermi à dit de lui qu'il était de la race des génies, parmi Galilée et Newton, Majorana n'en était pas moins une âme pessimiste et tourmentée.
Au point qu'il a choisi lui-même de disparaître, une nuit de mars 1938. Il embarqua sur un navire effectuant la liaison entre Naples et Palerme et se volatilisa, purement et simplement.
En soit, cela n'aurait pu constituer que le cas atypique d'un savant un peu fou et excentrique qui décide de tirer sa révérence de manière originale.

Oui, mais non.
Car Majorana n'était pas juste un savant. C'était LE physicien absolu ! Il est une singularité pure, qui a surgit dans l'Italie des années vingt, au moment où la physique venait d'accomplir sa révolution quantique et de découvrir l'atome.
Il fut un théoricien fulgurant. Ses travaux sur l'atome et l'interaction nucléaire ont fait date. Certaines de ses notes n'ont été comprises que dans les années soixante car elles étaient bien trop en avant sur leur temps pour ses contemporains. D'autres de ses travaux sont encore à déchiffrer.
En 1937, il publia même un article prophétique dans lequel il envisage l'existence de particules d'un genre nouveau, qui pourraient résoudre la grande énigme de la matière noire !
Bref, Majorana n'était pas un simple génie comme Schrödinger ou Einstein, c'était un prophète de la physique théorique !

Quant à sa disparition, elle alimente depuis 1938 diverses théories : s'est-il suicidé, s'est-il tout simplement construit une autre vie ailleurs ou s'est-il fait moine dans un monastère de Calabre ?
Est-il vivant ou mort ? Cette simple question fait de sa disparition une énigme quantique : Majorana est potentiellement mort et vivant. Il est devenu le chat de Schrödinger...
Belle ironie du sort pour un physicien théorique...

Étienne Klein nous emmène sur ses traces avec un réel don pour la vulgarisation des théories physiques et nous plonge dans la physique des années vingt, en pleine révolution,
« En cherchant Majorana » est un essai brillant, émouvant aussi, en même temps qu'un ouvrage indispensable de vulgarisation scientifique.
Formidable !

« En cherchant Majorana » - Etienne Klein – Editions Flammarion – 17 euros

"Jours de Guerre 1914 - 1918 Les trésors des archives photographiques du journal Excelsior"

Une histoire illustrée de la France en guerre

 

Le journal Ecelsior était un quotien français lancé en 1910 et qui publia jusqu'en 1940. Très tôt, il se distingua comme un pionner du photojournalisme grâce à la volonté de son fondateur, Pierre Lafitte, de privilégier l'illustration photographique dans le traitement de l'information. 25 à 30 clichés étaient publiés par numéro mais aussi des cartes, des croquis, des graphiques et des suppléments photographiques.

C'est grâce à la richesse exceptionnelle des archives de l'Excelsior que Jean-Noël Janneney et les Editions Les Arènes publient aujourd'hui "Jours de Guerre 1914 - 1918".

Dans un livre d'une très grande qualité sont rassemblées 800 photos inédites qui illustrent la vie des soldats et des civils pendant la Première Guerre Mondiale.

De l'été 1914 à la signature du Traité de Versailles, cet album propose une immersion dans la France de 1914 - 1918. Au rythme des saisons et des années, il restitue une réalité : celle des Poilus dans les tranchées et celle des civils, à l'Arrière.

C'est la matérialité et l'inimaginable aprêté du conflit qui apparaissent sous nos yeux aussi bien que le quotidien des familles, les instants de la vie de tous les jours et l'impact du conflit sur cette vie. Seule la photographie pouvait permettre une plongée aussi bouleversante dans ces années de guerre.

A l'heure où se prépare le triste centenaire du début de la Première Guerre Mondiale, ce livre est un élément indispensable dans la compréhension de cette période de notre histoire.

"Jours de Guerre 1914 - 1918 Les trésors des archives photographiques du journal Excelsior" de Jean-Noël Janneney aux Editions Les Arènes - 49.90 eur seulement.

Une jolie nouveauté pour les enfants dès 7 ans : "Lilou à Lyon" !

Cette semaine, j'ai le plaisir de vous présenter en exclusivité un tout nouvel album pour enfants que l'on doit, entre autres, à Fabienne Périsse, professeur à la Sidoine à Trévoux : "Lilou à Lyon".


Lilou se réveille un matin et s'aperçoit que son chien s'est sauvé pendant la nuit. Ni une ni deux, elle part à sa recherche dans Lyon !


Une jolie manière de faire découvrir la ville aux enfants à partir de 7 ans, à travers ses monuments les plus connus. Des pentes de la Croix Rousse jusqu'au Parc de la Tête d'Or, en passant les Saint Jean et Bellecour, Lilou nous emmène avec elle dans sa ville.


C'est beau, c'est bien écrit et très joliment illustré. C'est la première publication de la maison Guillermin Editions.


Et vous le trouverez en primeur à La Plume Rouge ! :)

"Drood" de Dan Simmons 


On ne présente plus Dan Simmons. L'auteur des «Chants d'Hypérion», des «Fils des Ténèbres» et de  «L'échiquier du Mal» accumule les succès et les prix littéraires depuis la fin des années 80. 

Avec « Drood », il s'attaque à un monstre de l'histoire littéraire : Charles Dickens. Mais pour bien comprendre  l'aspect magistral de ce roman, il faut d'abord plonger dans la vie d'Inimitable, comme Dickens aimait à s'appeler lui- même. 


Le 9 juin 1865, Charles Dickens sort indemne par miracle de la catastrophe ferroviaire de Stapplehurst. La voiture où il se trouvait, en compagnie de sa maîtresse, la jeune actrice Ellen Ternan et la mère de celle-ci, est le seule qui ne soit pas  tombée dans la rivière après que le train ait déraillé et quitté le viaduc qu'il était en train de franchir. 


Cinq ans plus tard, jour pour jour, Dickens meurt dans sa maison de Gad's Hill, dans des circonstances mal définies.


Entre-temps, il avait entamé la rédaction et la publication par épisodes dans sa revue All the year's round de son dernier roman, «Le Mystère d'Edwin Drood». Cette œuvre restera inachevée. 

Dans le roman de Dickens, Edwin Drood est un jeune orphelin placé sous la tutelle bienveillante de son oncle John Jasper, maître de chœur à la cathédrale de Cloisterham. Il doit épouser la jolie Rosa Bud mais il disparaît la veille de Noël. Son oncle mène l'enquête pour le retrouver mais il suscite rapidement les soupçons car il mène une double vie, opiomane à ses heures et amoureux de Rosa. De surcroît, Jasper ignorait qu'Edwin et Rosa avaient rompu leurs fiançailles, la veille même de la disparition... 

Le texte de Dickens s'arrête avec l'apparition d'un détective prétendant s'appeler Datchery, dont la crinière blanche laisse à penser qu'il est, sous un déguisement, un personnage déjà connu du lecteur... 


Depuis plus de cent quarante ans, écrivains, lecteurs et critiques n'ont cessé de chercher à travers le texte laissé par Dickens des indices pour résoudre l'énigme de la disparition de Drood. Est-il mort ? Se fait-il passer pour mort ? A-t-il été tué par son oncle ? Qui est Dick Datchery ? Qui Rosa choisira-t-elle d'épouser ?  


Dan Simmons fait table rase de toutes ces questions et des fins possibles imaginées par d'autres auteurs. Il prend le mystère Drood complètement à contre-pied. 


Tout commence donc ce 9 juin 1865. Sur les lieux de l'accident, au milieu des morts et des blessés, dans la confusion et la panique, Charles Dickens croise un étrange personnage dont la cape et le haut de forme ne dissimulent pas à son regard son nez et ses doigts coupés : Drood. Obnubilé par cette rencontre dont lui-même ne parvient avec certitude à déterminer si elle était réelle ou non, il se lance à la recherche de Drood à travers les bas-fonds du Londres de l'époque victorienne. Et il le fait avec l'aide de son collaborateur et ami, l'écrivain Wilkie Collins. 


Mais rien n'est jamais simple dans le monde de Dan Simmons. Le récit de cette quête étrange, livré par un Wilkie Collins abusant de son traitement au laudanum, fumeur d'opium et jaloux des succès littéraires de Dickens, ne supportant plus non plus l'arrogance et la condescendance de l'Inimitable, est-il vraiment conforme à la réalité ? Quel crédit accorder au témoignage d'un homme qui passe de plus en plus de nuits à fumer l'opium, qui prétend avoir un jumeau invisible aux yeux des autres mais qui rédigerait certains de ses manuscrits à sa place et qui est régulièrement attaqué dans l'escalier service de sa luxueuse maison par une femme à la peau verte et aux ongles acérés? 


Pourtant, force est d'admettre que Wilkie Collins est bel et bien le témoin de la déchéance physique et mentale de Dickens alors que ce dernier mène de front, en dépit du bon bon sens, de son état de santé et de l'avis de sa famille et des médecins, la rédaction de ses romans, la publication de sa revue, la mise en scène de pièces de théâtre ainsi que d'innombrables sessions de lectures publiques de ses œuvres, aussi bien en Grande-Bretagne qu'aux Etats- Unis.  Que penser également du penchant presque obsessionnel de Dickens pour l'hypnose et le mesmérisme ? Et pourquoi vouloir à tout prix retrouver Drood, si tant est qu'il existe ? 


Bref, Dan Simmons nous entraîne dans un univers aux limites de la réalité, où le parfum de l'opium flotte toujours dans l'air, avec les miasmes de la Tamise et des bas-fonds de Londres, grouillants de misère, où les grands écrivains sont parfois dévorés de l'intérieur par leur propre génie, où les apparences sont souvent trompeuses et où la vérité pourrait peut-être bien se nicher dans un flacon de laudanum.  


Mais ce roman n'aurait pas une telle maestria sans une maîtrise parfaite de l’œuvre de Charles Dickens, de celle de Collins et des recherches très approfondies sur ces deux hommes et leur entourage. Simmons écorne d'ailleurs sérieusement le mythe de Dickens bon père de famille et chantre de foyer heureux britannique, progressiste convaincu et humaniste, il nous révèle les tourments d'un homme amoureux d'une femme de trente ans sa cadette qui finira par le repousser et qui ira jusqu'à braver le scandale du divorce, d'un père tyrannique avec ses enfants qu'ils juge médiocres, à l'exception de sa fille aînée Katey qui épousera, pour le faire enrager, le petit frère de Wilkie Collins.  


Dan Simmons nous livre donc un livre colossal. Aussi bien en terme de nombre de pages (1204 !) qu'en terme de brio de la reconstitution, de souffle épique du récit et de l'intelligence avec laquelle il utilise et restitue une documentation extraordinaire, certainement le fruit de plusieurs années de travail !  On est emporté, dès la première page ! On suit avec angoisse Wilkie Collins dans cette Londres fangeuse et souterraine, dans les fumeries d'opium ou dans son escalier de service hanté par la femme à la peau verte, on tremble lorsque se profile l'ombre de Drood ou celle de « l'autre Wilkie » et tour à tour, on déteste Dickens ou on compatit au sort du vieil écrivain bouffi d'orgueil mais malheureux depuis qu'Ellen Ternan l'a quitté. On se demande si Drood existe, s'il est réellement cet enfant illégitime revenu d'Égypte pour se venger du père qui l'a abandonné, s'il est humain, s'il est une obsession née d'un cerveau malade et imbibé de laudanum, si oui ou non toute celle folie est réelle. C'est un livre sombre, froid et brumeux comme un matin d'hiver au bord de la Tamise, c'est glauque comme l'air vicié des catacombes et étouffant et grouillant comme les taudis londoniens pendant les étés caniculaires, parfois brillant comme le soleil printanier et les parterres de géraniums autour de la maison familiale de Dickens. 

D'une certaine manière, Drood est le Kaiser Söze littéraire de Dan Simmons, son récit nous tient en haleine jusqu'à la dernière page !

"Albert Speer, le confident de Hitler" de Joachim Fest

L'énigme Speer (1905-1981) relève du tonneau des Danaïdes : chaque question que soulève son parcours en appelle de nouvelles, pour la plupart sans réponses rationnelles.

Ainsi, comment un homme aussi raffiné – architecte de formation, issu d'un milieu de grands bourgeois libéraux – a-t-il pu s'accommoder de 1933 à 1945 du régime nazi, au point d'en devenir l'un de ses suppôts les plus fervents ?

Car Speer fut à la fois l'architecte et le confident de Hitler, le ministre de l'armement et, à partir de 1943, le maître de l'économie de guerre, ce qui fait de lui le deuxième personnage du régime, avant qu'il soit jugé à Nuremberg.

Autre mystère : l'étonnante fascination réciproque qui liait deux personnalités aussi dissemblables que Speer et Hitler.

Joachim Fest (1926 - 2006) était journaliste, écrivain et historien. Il a rencontré Albert Speer pour la première fois en 1966. Il venait d'être engagé par l'éditeur Wolf Jobst Siedler pour être le conseiller littéraire de Speer et l'aider à rédiger ses "Mémoires" après sa sortie de la prison.

En 1999, sur la base des mois passés avec Speer pour la rédaction de ses "Mémoires" et sur de vastes recherches historiques, y compris sur la biographie de Hitler qu'il a écrite, Joachim Fest a tenté avec ce livre de répondre aux nombreuses questions que pose le cas Speer.

En optant pour le prisme biographique, l'historien fait coup double : brosser un portrait de l'Allemagne nazie à travers l'un de ses acteurs les plus emblématiques par son ambiguïté et consacrer une biographie digne de ce nom consacrée à celui qui se considérait comme le "seul ami" du dictateur.

Fest raconte avec talent comment s'est développée la relation, presque une fascination réciproque, entre Hitler, artiste raté et aigri, rêvant d'une architecture totalement mégalomane pour son Reich de mille ans, et Speer, architecte somme toute relativement orthodoxe mais organisateur de génie.

C'est lui qui invente la mise en scène nazie, notamment lors des gigantesques congrès du parti à Nuremberg. Il se déclare plus tard partisan de la guerre totale et participe à l'élimination des Juifs de Berlin.

Bourreau de travail, c'est lui aussi qui, pendant des années, tiendra à bout de bras l'économie de l'Allemagne et des pays occupés, c'est à dire de la quasi-totalité de l'Europe.

C'est lui encore qui, écartant ses rivaux Goering et Himmler, devient presque l'alter ego du Führer, grâce à son art consommé des intrigues.

Et pourtant, Speer finira par détourner voire ignorer complètement les ordres de Hitler, il déclarera à Nuremberg qu'il a toujours été un artiste apolitique et prétendra ignorer tout des crimes nazis.

C'est ce paradoxe que Joachim Fest éclaire avec talent à travers son livre. Sous sa plume, Speer est enfin démasqué : architecte d'un Reich qu'il imagine longtemps éternel, ami de Hitler jusqu'à la passion, jusqu'à risquer sa vie pour venir lui dire adieu dans le bunker alors que les Russes entrent dans Berlin et seul capable de lui désobéir, stratège poilitique hors pair à Berlin comme à Nuremberg, il incarne le criminel nazi dans sa monstueuse perfection.

Bref, une biographie essentielle pour qui s'intéresse à cette période de l'Histoire, de même que tous les autres ouvrages de Joachim Fest :

- Hitler. Tome 1 : Jeunesse et conquête du pouvoir (1889-1933), Paris, Gallimard, 1973.
- Hitler. Tome 2 : Le Führer (1933-1945), Paris, Gallimard, 1973.
- Albert Speer, Paris, Perrin, 2001, 370 p.
- Les derniers jours de Hitler, Paris, Perrin, 2004
- Pas moi ! : souvenirs d'une jeunesse allemande antinazie, Monaco Paris, Éd. du Rocher, 2007
- Les maîtres du Troisième Reich, Paris, Grasset, 2008
- La résistance allemande à Hitler, Paris, Perrin, 2013

Suivez l'inspecteur Shan sur le toit du monde !

 

Eliot Pattison est américain, il est né en 1951 et il est  l’auteur d’essais sur le commerce international et de romans policiers.
Rien de très original, me direz-vous : depuis John Grisham, les avocats qui se sentent la fibre littéraire pullulent, surtout quand il s’agit de nous faire frissonner dans nos chaumières.
Sauf que…
Sauf qu’Eliot Pattison ne se contente pas de nous servir un petit thriller classique ! En plus d’être spécialiste du commerce international, il possède une connaissance approfondie du bouddhisme, du Tibet et surtout de ce qui s’y passe depuis l’invasion chinoise en 1950.

Le héros de sa série, l’inspecteur Shan, est un policier chinois originaire de Pékin. Intègre jusqu’au bout, il met le doigt sur une affaire de corruption touchant aux plus hauts dignitaires du parti communiste et de l’état. Ce qui lui vaut d’être arrêté et envoyé – après des mois de torture – dans un lao gai, un camp de travail forcé au Tibet, sans procès, sans chef d’accusation et pour une durée déterminée.
Sur ce, ses geôliers lui apprennent que sa femme, membre du parti communiste et bureaucrate à l’avenir prometteur, a obtenu le divorce et qu’il ne reverra donc plus jamais son fils.

C’est grâce aux moines bouddhistes dissidents détenus avec lui, c'est-à-dire refusant de se soumettre au Bureau des Affaires Religieuses dirigé par Pékin et à sa conception toute socialiste du dogme bouddhiste, qu’il parviendra à survivre aux violences systématiques, aux mauvais traitements, à l’injustice et au désespoir.

Le premier tome de la série commence alors que Shan purge sa troisième année au camp. Il y endure toujours l’épuisement, la faim et la peur. Lorsque le cadavre décapité d’un Américain est retrouvé sur la route que les prisonniers du lao gai doivent construisent, les moines prisonniers refusent de reprendre le travail, au péril de leur vie.

Le colonel Tan, un vieux briscard de l’Armée Populaire qui dirige le camp de travail et a abandonné tout espoir de promotion, se résoud donc à faire appel aux talents d’enquêteur de Shan pour trouver le coupable du meurtre et obliger les moines à reprendre la construction de la route.
En effet, si l’information venait à remonter jusqu’à Pékin, les autorités viendraient sans doute contrôler sa manière discutable de gérer le camp et le comté.

De la finesse et de la détermination de Shan dépendent désormais le sort de ses amis lamas et ses investigations le mèneront au plus profond des montagnes tibétaines, là où cohabitent de très anciens secrets bouddhistes et des richesses insoupçonnées.

Le personnage de Shan fait partie de ces héros de romans policiers particulièrement attachants, à l’instar de Bernie Gunther dans les polars de Philip Kerr ou de l’inspecteur Wallander chez Mannkell.
Porté avant tout par son intégrité et la recherche de la vérité, il enquête, au péril de sa vie, jusqu’à perdre son statut social, son épouse, son fils et sa liberté, et jusqu’à prendre le parti des tibétains opprimés et à risquer sa vie pour eux.

Cette série de romans d’Eliot Pattison n’est pas seulement une suite de polars au cadre original et à l’intrigue bien construite, c’est l’expression d’une connaissance sans précédent de la culture tibétaine et de ce bouddhisme si particulier, sorte de syncrétisme entre des traditions d’animisme et de sorcellerie très anciennes et si éloigné du bouddhisme indien des origines.
Mais c’est avant tout le cri déchirant d’une culture en train d’être annihilée sous le joug chinois, c’est le récit de la lutte à armes inégales entre sagesse ancestrale et convoitise moderne.
On ne peut qu’être emporté par l’atmosphère si particulière de ces romans, ce souffle de résistance face à l’oppression et cette sagesse venue du fond des âges et du tréfonds des montagnes.                    


Références :
Les enquêtes de l’inspecteur Shan – Eliot Pattison
Série publiée par les Éditions 10/18 en livre de poche, collection Domaine Policier
- Dans la gorge du dragon
- L’œil du Tibet
- Les fantômes de Lhadrung
- La prière du tueur
- Le seigneur de la mort

Jetez-vous sans attendre sur le nouveau Jason Goodwin !

 

Istanbul est une ville qui recèle une part de fascination. Peut-être parce qu'il ne s'agit pas d'une simple ville mais de trois villes superposées les unes sur les autres : Byzance, Constantinople et Istanbul, avec chacune son passé et son histoire particulière...

Jason Goodwin possède ce talent très particulier propre aux grands écrivains de romans historiques. En l'ocurrence, de romans policiers historiques. Celui de vous transporter dans le temps et l'espace, de vous faire aimer un monde en train de disparître et de vous donner l'envie de passer vos prochaines vacances à Istanbul.

Avec la série des enquêtes de l'eunuque Hachim, Jason Goodwin fait revivre la Sublime Porte à la fin du 19e siècle. Sur les pas du héros, on respire dans les rues d'Istanbul le parfum des épices, du café, des coreks, du poisson grillé au bord de la Corne d'Or et l'odeur des eaux du Bosphore. On entend résonner l'appel du muezzin, le cri des porteurs qui grimpent les rues escarpées de Pera, des mouettes et des marchands du Grand Bazar. On se perd dans le dédale des salles de Topkapi, dans les cours du harem, parmi les épouses du sultan qui passent leur vie à attendre et à espérer apercevoir une fois l'homme auquel elles appartiennent.

On assiste aussi à la fin d'un monde. Jason Goodwin excelle à rendre cette atmosphère déliquescente, infestée de rivalités, alors que l'Empire Ottoman se confronte à la modernité et vit ses dernières heures.

J'ai eu la chance de lire les deux premiers volumes de la série : "Le complot des janissaires" et "Le trésor d'Istanbul" alors que je passais mes vacances dans la ville. Replonger dans ses romans est à chaque fois un retour dans cette ville magique où deux mille ans d'histoire sont littéralement superposés.

Après "Le mystère Bellini", les éditions 10-18 publient donc aujourd'hui "Mauvais oeil", le quatrième volume de la série.

En 1839, alors que le vieux sultan Abdulhämid vient de rendre l'âme, son fils Abdülmecid, âgé de seize ans, accède à la tête de l'Empire Ottoman.

Mais l'inexpérience du nouveaun sultan déclenche les convoitises. D'abord celle des Russes qui rongent les frontières de l'empire depuis des années, celle des Anglais qui rêvent de contrôler le Bosphore, celle des Grecs réclamant qu'on leur octroie enfin une nation, tandis que l'Egypte se soulève et tente de quitter le giron de l'empire.

Dans cette atmosphère explosive, alors que le corps des janissaires qui assurait la protection du souverain est dissout, Hachim, fidèle au grand vizir, est chargé d'enquêter sur un cadavre jeté dans la citerne d'eau du monastère orthodoxe de Chalki et de retrouver un jeune élève de l'école du palais qui a disparu en pleine nuit.

Sa piste le conduit au coeur du pouvoir, dans le monde étrange du harem, où les épouses vieillissantes du sultan défunt voient leur univers s'écrouler et perdent tous leur repères, où les jeunes épouses du nouveau sultan apprenent dans la douleur et l'isolement les règles immuables et la hiérarchie stricte du harem, où la mère du Sultan, la Validé Sultane, tente de sauvegarder ce qui peut l'être, où le Kislar Aga, le grand eunuque noir, est dépassé par les événements et surtout où certaines femmes sont frappées d'un mal inexplicable.

Hachim tente de démêler les fils de tous ces événements tragiques et se retrouve confronté au changement, à ses souvenirs, à son amitié de longue date avec la Validé Sultane, d'origine française, au temps qui passe, qui fait vieillir les visages et exacerbe les vieilles rivalités.

Mais c'est aussi le propre passé de Hachim qui reviendra le hanter, tandis que son ami Stanislas Palewski, l'amdassadeur de Pologne (c'est à dire d'un pays qui n'existe plus) fera son possible pour lui venir en aide alors que l'étau des complots se resserre.

Alors n'hésitez pas une minute, ouvrez "Mauvais Oeil", installez-vous confortablement dans un fauteuil et laissez-vous embarquer pour un voyage dans le temps et dans l'histoire de l'Empire Ottoman, marchez sur les traces d'Hachim, l'enuque érudit, amateur de romans français et de bonne cuisine...

La BD et le Jazz font bon ménage ! La preuve ? Famille Li Wang, bien-sûr !

 

Aujourd'hui, j'ai reçu la visite d'un représentant sympa de chez InOuiie Distribution

InOuïe Distribution, c'est une structure qui a été crée pour aider la distribution des artistes via un circuit plus direct que celui des grandes sociétés d'édition ou de production.

Et dans leur catalogue, on trouve une petite perle de BD : "Famille Li Wang".

L'histoire ? Le détective Philip Marley retourne à Chinatown où le mari de  la sulfureuse Mrs Mulwray a disparu. Le privé se lance sur la piste de la Famille Li Wang et des mystérieux Ligerians, ce groupe de cinq musiciens qui semble autant influencé par Ernest Ranglin et Monty Alexander que la l'Etrangleur de Boston ou Hannibal Lecter...

"Famille Li Wang", c'est la rencontre entre le groupe The Ligerians et David Mohamed, l'auteur du "Gang des Lyonnnais". C'est donc un disque à lire ou une bande dessinée à écouter, ou l'inverse, pour découvrir un univers où se mêle reggae, polar, jazz et chanson...

 

 "Les reliques sacrées d'Hitler" de Sidney Kirkpatrick.

Bon alors...

Le style ne casse malheureusement pas des barreaux de chaise (la faute de la traduction peut-être ?) et il est clair que l'auteur ne déborde pas de talent pour l'écriture.

En revanche, cet essai a le mérite de relater un pan de l'histoire de l'Allemagne relativement méconnu.


En février 1945, Walter Horn, citoyen américain d'origine allemande et éminent professeur d'histoire de l'art à l'université de Berkeley, était affecté à l'interrogatoire des prisonniers de guerre dans le but de savoir si Hitler possédait ou non des armes bactériologiques.

Au hasard d'un interrogatoire, un prisonnier lui révèle l'existence d'un bunker creusé sous le château du Nuremberg et recelant un nombre incroyable d’œuvres d'art.

En soi, cette nouvelle n'avait rien d'extraordinaire. Des tas de bunker du même genre avaient déjà été découverts sur tout le territoire du Reich par les Alliés.

Sauf que cette fois-ci, il ne s'agissait pas de "simples" œuvres d'art mais du trésor du Saint Empire Romain Germanique, volé par les nazis à Vienne. Et qu'il en manquait une partie, probablement déménagée sur ordre de Himmler quelques semaines plus tôt.

Walter Horn s'est donc retrouvé désigné volontaire par le Général Patton pour retrouver les œuvres manquantes.

Mais partir à la chasse aux œuvres d'art subtilisées par le noyau dur de la résistance nazie dans une Allemagne en ruines et partiellement occupée par les Soviétiques, le tout dans un délai de trois semaines et dans un climat politique délétère au sein du commandement américain, ça n'est pas une sinécure...
Surtout quand on n'a pour toute aide qu'un chauffeur de 18 ans encore en train de soigner son acné...

Bref, il ne faut pas s'attarder sur le style de ce livre mais bien sur son contenu. On dirait du Dan Brown, sauf que là, tout est vrai !

Le nouveau polar de Guillaume Prévost est disponible en poche chez 10/18 !

Après "La valse des gueules cassées" et "Le bal de l'équarisseur", Guillaume Prévost nous offre un nouveau polar remarquablement bien ficelé !

On y retrouve avec plaisir l'inspecteur François-Claudius Simon sur une enquête d'un genre un peu particulier.

Alors qu'un feuilleton cinématographique attire les foules dans les salles obscures, un tueur se met à y assassiner de jolies jeunes femmes. Tandis que son amante Elsa a mystérieusement disparu, peut-être pour aller soutenir la révolution bolchevique en Russie, que son passé d'orphelin refait surface, François-Claudius Simon devra pousser ses investigations du côté des studios de cinéma de Vincennes qui semblent devenir une machine à fabriquer des cauchemars...

Guillaume Prévost est agrégé d'histoire. Il enseigne dans un lycée de la région parisienne. Il est l'auteur du Livre du temps, une trilogie à succès chez Gallimard Jeunesse et, chez NiL, de trois thrillers historiques remarqués : Les Sept Crimes de Rome, L'Assassin et le Prophète et Le Mystère de la chambre obscure. Après La Valse des gueules cassées et Le Bal de l'Équarrisseur, le troisième volet des enquêtes de François-Claudius Simon est paru au printemps 2012.

Parfois, il arrive qu'une simple boite en fer blanc se transforme en coffre au trésor.

En achetant par hasard une jolie boite en fer blanc dans une brocante, Nathalie Carron-Lanzl ne se doutait pas un instant qu'elle allait faire revivre deux âmes séparées par la guerre.

La boite contient des lettres en allemand qui commencent toutes par "Mon cher Johann" et qui sont signées Anna. En les traduisant, Nathalie découvre la correspondance d'une femme avec son compatriote.

En 1945, certains soldats de la Wehrmacht sont obligés de rester en France pour accomplir des travaux d'intérêt généraux pendant plusieurs années. Johann en fait partie. Anna lui écrit, attendant sont retour en Allemagne dans un territoire occupé par l'Union Soviétique.

Cette correspondance, l'auteure l'a complétée avec des documents, des photos et surtout une enquête en Allemagne sur les traces d'Anna et Johann. Après toutes ces années, que sont-ils devenus ? Ont-il pu finalement se retrouver ?

Reste-t-il encore quelques poilus ?

A l'heure où sont qui ont connu la Grande Guerre disparaissent les uns après les autres, l'ouvrage de Nicole Lhuillier-Perilhon fait oeuvre de mémoire. Mais pas seulement.

En nous livrant la correspondance complète entre Jean-Alphonse Boutille, envoyé sur le front et son épouse restée dans leur village des Monts du Lyonnais, c'est un témoignage exceptionnel qu'elle nous offre.

Car il ne s'agit pas uniquement des combats, de la peur et du danger, c'est aussi un formidable témoignage sociologique sur une période qui verra les femmes accéder au monde du travail, élever leurs enfants seules, lutter contre la famine et la précarité en l'absence de leurs hommes (frères, pères, maris ou fiancés). C'est tout l'évolution de la société française qu'on retrouve dans ces lettres où le ton reste, malgré toutes les difficultés et la tourmente de la guerre, résolument optimiste et plein d'émotion.

Une famille de libraires dans la Résistance

A Lyon, la librairie Crozier a été pendant longtemps une institution. Mais pas juste une simple librairie. Pendant le Seconde Guerre Mondiale, elle a aussi été un foyer de résistance face à l'occupant nazi.

A travers les anedoctes qui ont bercé son enfance, Jean-Luc de Uffredi nous raconte le parcours de sa famille pendant cette période sombre, en particulier grâce à son père François et son grand-oncle Pierre Crozier qui ont lutté chaque jour et risqué leur vie.

C'est un éclairage intime, différence de celui des livres d'histoire, qu'il nous livre à travers ce receuil qui se lit comme un roman.

Une page de la grande Histoire racontée par ceux qui l'ont faite et vécue au quotidien, un livre indispensable pour tous ceux qui s'intéressent à cette période historique ou qui veulent tout simplement mieux connaître l'histoire lyonnaise...

Vive le polar lyonnais !

Le polar, c'est bien.

Mais il n'y a pas que le polar américain tiré à des millions d'exemplaires à travers le monde, il y a aussi des auteurs de romans policiers de grande qualité chez nous.

En ces temps de promotion de la consommation locale, pourquoi ne pas aussi consommer les livres locaux ?

C'est possible grâce aux éditions Les Passionnés de Bouquins qui nous livre ce roman purement lyonnais.

Une série de meurtres a priori sans liens entre eux defraie la chronique à Lyon, le tout sur fond d'activisme et d'altermondialisme. De quoi lancer le Commissaire Dionisi dans une enquête haletante dont il ne sortira pas forcément indemne...

A découvrir d'urgence !

Mystère dans les brumes de la Dombes...

Marcel Victorain est originaire de Bourg En Bresse. Longtemps parolier et auteur de nouvelles ou de contes pour enfants, il s'attaque aujourd'hui au polar et nous livre un roman captivant qui nous embarque des pluies lyonnaises aux brumes des étangs de la Dombes...

Un employé de banque nommé Antoine, une mystérieuse jeune femme perdue qui lui demande de l'aide... Pourquoi cette entêtante odeur de chèvrefeuille ? Et pourquoi Antoine se lance-t-il à corps perdu à la recherche de cette jeune femme qui semble s'être évanouie dans la nature et dont il ne sait rien ? Existe-t-elle vraiment ou l'a-t-il rêvée ?

Laissez-vous porter par ce bijou de petit roman...